Logo Femmes et médias à travers le monde
Préface   Introduction   Rapport alternatif mondial 2001   Meilleures pratiques   Évaluation parallèle   Répertoire
 
Accueil Plan du site Réalisation Pour nous contacter Castellano English
 
Images locales, identités globales
Résume analytique

Afrique

Asie Pacifique

Le monde arabe

Amérique latine et Caraïbes

Europe/Amérique du Nord

Le monde arabe

Section basée sur le rapport régional préparé par Atidel Mejbri du Centre de la Femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR).

Introduction

Entrevue pour l'émission de radio quotidienne de FIRE diffusée par Internet pendant la Session extraordinaire de l'ONU "Femmes 2000", New York, juin 2000.
(cliquez pour agrandir)

Les médias jouent un rôle crucial dans la construction de l’image de la femme et dans l’orientation des représentations collectives et des attitudes à son égard. Un travail de sensibilisation et de responsabilisation des journalistes s’impose donc, afin d’améliorer l’image de la femme dans les médias. Les médias perpétuent les préjugés et les stéréotypes qui sous-estiment et dévalorisent l’apport des femmes dans l’effort de développement et accablent leur statut d’attributs négatifs. Les médias sont un outil privilégié de transmission des informations et des idées. Ils exercent une influence énorme sur le contexte social de la région, par conséquent sur la nature des relations entre les différents secteurs de la société.

La télévision, à elle seule, domine depuis 1960 les attitudes et les comportements. Environ 85 % des enfants du Qatar passent quatre heures par jour devant la télévision. Un sondage réalisé par le ministère de la Jeunesse et du Sport de Tunisie en l’an 2000 et touchant 10 000 jeunes a révélé que 95 % des jeunes regardent la télévision, 88,8 % écoutent la radio et 70,7 % lisent les journaux. Un tiers de ces jeunes consacrent de une à trois heures par jour à regarder la télévision.

Ces enfants et ces jeunes sont exposés à des milliers de messages qui représentent un moyen d’apprentissage bien qu'ils traduisent rarement des valeurs éducatives et sociales basées sur l’égalité entre les sexes. Selon les rares recherches effectuées dans le monde arabe, ces messages favorisent des attitudes et comportements destructeurs pour certaines catégories de la société. Les stéréotypes répandus à travers les médias servent à favoriser une discrimination que subissent les femmes et les minorités.

Les jeunes entre 13 et 35 ans représentent 65 % de la population arabe. Les chaînes par satellites sont actuellement au nombre de 77 dans la région.

Objectification, infantilisation, asservissement domestique, victimisation… telles sont les tendances esquissées des femmes à travers les médias selon un travail de synthèse effectué par Adib Khadhour pour analyser le profil de la femme présenté dans les études, enquêtes et recherches arabes sur la question. Les femmes sont plus susceptibles de devenir des victimes que les hommes, elles sont plus malicieuses et sont à la recherche d’un mari ou d’un travail plus traditionnellement associé aux femmes.

Dans une autre étude, Mokhtar Touhemi enregistre l’écart entre les médias arabes et la réalité de la femme rurale dans la région. Cet écart est le même, selon Touhemi, entre les recherches dans le domaine et la réalité de la femme rurale. Plusieurs études et enquêtes nationales et régionales confirment les constats mentionnés ci-dessus.

L’Institut supérieur de l’information et de la communication et le Fonds des Nations Unies pour la population viennent de publier les résultats d’une recherche sur « l’image de la femme à travers le discours médiatique au Maroc » qui sont passés dans la presse écrite, à la télévision et à la radio. La femme est absente comme citoyenne et acteur social dans les journaux de langue arabe. L’espace rédactionnel qui lui est consacré dans la presse de langue française est minime. La télévision marocaine véhicule, par contre, une image positive de la femme si l’on n’analyse que les programmes. Son statut social domine celui de la victime. La radio exclut quant à elle la femme rurale de sa programmation.

En Tunisie, le thème « Femmes et médias » constitue un sujet de recherche récent. La première étude a été réalisée en 1989 par l’ONG Union nationale de la femme tunisienne. On attendra les années 90 pour voir mener des recherches exhaustives et organiser des ateliers et séminaires sur la question.

La dernière en date, réalisée en l’an 2000 par le Centre de recherches d'études, de documentation et d'information sur la femme (CREDIF), révèle « la part insignifiante des articles publiés dans les rubriques Économie et régions » et que « les sujets féminins constituent bien plus une matière reçue qu’une matière recherchée ». Selon cette étude, les quotidiens n’hésitent pas — d’une manière illégale, il est vrai — à exploiter des faits divers mettant en scène des femmes dans le but d’appâter les lecteurs et d’augmenter les ventes du journal.

Une étude menée par le Centre de la Femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTAR) dans quatre pays arabes, la Tunisie, le Yémen, les Émirats et la Jordanie, comprend un chapitre consacré à l’analyse de la couverture par la presse de la célébration de la Journée internationale de la femme (JIF). L’étude dénombre 173 articles publiés par les pays constituant l’échantillon avant et après le 8 mars.

Le reportage vient en tête de tous les autres genres dans une proportion de 42,4 % du total des articles. En dépit de la célébration officielle de la Journée internationale de la femme et l’organisation d’un grand nombre de manifestations liées à cet événement, seulement deux éditoriaux étaient consacrés à la femme dans les journaux de Tunisie. De tels éditoriaux étaient totalement absents des publications de presse de Jordanie, du Yémen et des Émirats arabes unis. Étant donné que c’est l’éditorial qui exprime les choix et orientations du journal, le fait que la thématique « femme » soit négligée témoigne d’une faible implication des titres étudiés à l’égard de la promotion du statut de la femme et de la prise en charge de sa cause.

Les articles de fond et d’analyse ne représentent que 20,2 % de l’ensemble des articles publiés. La répartition des articles par sexe révèle que ceux qui sont signés par les femmes s’élèvent à une moyenne de 55,7 % dans les quatre pays. On constate que les articles rédigés par des femmes sont plus longs que ceux rédigés par des hommes.

La « situation de la femme » et le « statut juridique de la femme » sont les sujets les plus fréquemment traités dans la matière journalistique publiée dans les pays concernés par l’étude à l’occasion de la JIF.

Au Yémen, la presse a consacré une large part de ses articles sur la femme au domaine de la politique ; suivie en cela par la presse de Jordanie. Les organes de presse en Tunisie n’ont consacré qu’un nombre réduit d’articles à un tel domaine, tandis qu’aux Émirats arabes unis les publications de presse n’ont présenté aucun article sur « la femme politique ».

L’étude a dénombré 15 rôles sociaux attribués à la femme. La femme est apparue en premier lieu comme « citoyenne » dans les publications des quatre pays. Les femmes créatrices, les femmes militantes et les femmes mères et épouses sont également présentes. Les articles faisant paraître la femme dans un « rôle moderne » représentent 85 % des espaces réservés aux femmes, soit en sa qualité de citoyenne ou de responsable, d'écrivain, de créatrice ou d'activiste dans le milieu associatif ou encore de travailleuse moderne.

Les journaux des quatre pays ont véhiculé un discours positif de soutien au droit de la femme et valorisant le rôle de la femme. Toutefois, la plupart des articles sont des comptes rendus concernant des déclarations et activités de décideurs politiques ou d’activistes d’associations et de diverses organisations et qui ne sont donc pas à mettre à l’actif ou au passif des professionnels de l’information.

Qu’a-t-on fait devant une réalité qui s’annonce différente et quelquefois contradictoire ?

Il est vrai que les différents pays du monde arabe disposent de points communs : la langue, certaines législations et le mode de vie. Cela rend la standardisation de certaines actions, notamment médiatiques, possibles et réalisables, une standardisation impossible à réaliser dans d’autres régions, notamment en Asie à cause de la diversité linguistique. Cependant, des différences énormes entre les pays arabes persistent à tous les niveaux, politique, économique, législatif, social et médiatique.

Les multinationales ont réussi à offrir une communication globale grâce à l’identité forte de leurs marques. Pendant très longtemps, les seuls médias régionaux étaient les journaux. Le développement de la technologie d’une part, la langue commune de l'autre ont favorisé la mise en place de télévisions régionales et on assiste aujourd’hui à l’émergence de télévisions régionales par satellite, avec décodeurs et la télévision câblée. Internet se développe de son côté, offrant d’autres espaces d’expression, d’échange et de « réalité commune ».

La place des femmes dans les médias

Les femmes demeurent considérablement sous-représentées dans les postes de gestion et de décision dans les médias. En Tunisie, les étudiantes représentent 69 % des effectifs à l’Institut de presse et des sciences de l'information, l’unique institution de formation universitaire spécialisée. En 1997 et 1998, les femmes représentaient 25 % de l’effectif total des journalistes titulaires de la carte professionnelle, contre 16 % en 1987. À la radio et à la télévision, les femmes représentent 50 % de l’effectif ; pourtant, le nombre de femmes occupant un poste de décision ne dépasse pas trois.

Cette situation a amené le CAWTAR à réaliser en 1998 une étude dans quatre pays arabes, la Tunisie, le Yémen, les Émirats et la Jordanie. L’étude portait sur les femmes professionnelles de l’information et sur leur vision de la relation de la femme avec son travail et de la place de la femme dans le domaine de l’information.

La proportion des professionnelles de l’information qui traitent des questions politiques et d’intérêt national ou international atteint 47,3 % au Yémen, 36 % en Jordanie, 32 % en Tunisie et seulement 2,1 % aux Émirats arabes unis. Pour ce qui est de leurs sujets préférés, ces femmes ont placé les questions sociales en tête avec 19 % des réponses, suivies des affaires de la femme à 13,1 %, des événements internationaux à 12,1 % et des thèmes culturels à 11,7 %.

Le sentiment de discrimination éprouvé par les femmes professionnelles de l’information par rapport à leurs collègues hommes et dans le cadre de l’exercice de leur travail existe dans une proportion plutôt atténuée : entre 14 % et 16 % de ces femmes ont ce sentiment en Jordanie, au Yémen et aux Émirats arabes unis, alors qu’en Tunisie elles ne sont que 4,2 %. Les femmes interrogées considèrent que leur choix d’exercer le métier de l’information est accepté dans une proportion de 90 % par leur environnement familial et social. L’image de la femme dans les médias est jugée positive par 65,3 % d’entre elles, avec quelques différences. En Jordanie, 82 % jugent cette image positive, tandis qu’en Tunisie elles ne sont que 53,5 % à partager cet avis.

Une majorité de 63,2 % des femmes interrogées considèrent que l’espace consacré à la femme n’est pas suffisant quand il n’est pas extrêmement réduit. En Tunisie, 57,6 % d’entre elles considèrent que cet espace est suffisant ou très important.

Pourtant, 54,9 % des femmes en Tunisie s’opposent à l’établissement de rubriques ou de programmes permanents pour les femmes dans les médias, car elles estiment que la spécificité consacrerait la discrimination entre les deux sexes, qu’il ne faut pas séparer les préoccupations des femmes de celles des hommes et qu’il faut adresser les mêmes discours aux deux sexes, sans exclusion ni préférence aucune. Ces opinions sont partagées par une minorité de professionnelles de l’information de Jordanie (26 %) et des Émirats arabes unis (20,7 %).

Les femmes et les TIC

Pour que l’utilisation d’Internet se répande dans le monde arabe, il faudra remédier à « l’analphabétisme technologique » : 72,1 % des jeunes Tunisiens (de 15 à 29 ans) déclarent dans un sondage effectué par le ministère de la Jeunesse et du Sport qu’ils ne disposent pas d’informations exhaustives sur ce sujet. Seulement 9 % d’entre eux utilisent Internet. Très peu de femmes utilisent Internet à cause d’un manque d’infrastructures en télécommunications et des coûts assez élevés des outils informatiques et de la connexion. Environ 4 % des femmes arabes accèdent à Internet. Le taux s’élève à 50 % aux États-Unis et à 35 % au Brésil. Cette situation s’explique en partie par les taux élevés d’analphabétisme chez les femmes de la région.

Il y a pourtant plusieurs sites arabes : Arabwomenconnect.org, ALARB, arabsgate, atyab, raddadi et marweb ; et des magazines électroniques : almarah.com, femme du Liban, lamarocaine.com, Femme du Maroc, hiya… branchés sur les exigences particulières des femmes arabes.

UNIFEM vient de lancer le premier forum de discussion en ligne, en anglais, sur « le rôle potentiel actuel des médias dans le renforcement du genre ». La langue constituera un handicap pour un grand nombre de journalistes arabes.

Dans son rapport préliminaire, le plan d’action des ONG arabes (2001-2005) ne consacre aucune recommandation aux nouvelles technologies. Il insiste par contre sur la formation et la création des réseaux.

Le réseau, un outil puissant

La nécessité des réseaux dans une époque fortement marquée par le processus de globalisation et de mondialisation devient une question fondamentale qui prend de plus en plus d’ampleur et d’intérêt. Les différents types d’agrégations et de liens reviennent sur le devant de la scène et, en passant par le développement des technologies de l’information et de la communication (télématique, Internet, vidéo-texte, etc.), ont tendance à avoir une multiplicité de modulations. Ce constat nous permet de présenter notre époque comme celle des réseaux et de rendre compte de la naissance d’un nouvel « esprit du temps » basé sur une autre logique communicationnelle.

Le CAWTAR s’est fixé comme objectif d’instaurer une tradition de partenariat et d’échange d’expériences tirant profit du développement technologique. Ses réseaux spécialisés, l’un sur la mondialisation et sur le rôle économique des femmes, et l’autre sur l’adolescente arabe, regrouperont les différents intervenants dans le domaine de la femme, y compris les ONG et les médias. Le CAWTAR, en tant qu’ONG régionale, a établi une convention avec l’Union des télévisions arabes afin d’instaurer un prix de la meilleure production sur la femme dans le Festival des télévisions et radios arabes. Les deux institutions entameront en octobre 2001 la production d’une série de documentaires sur la femme arabe qui seront diffusés sur les chaînes arabes membres de l’Union.