Le monde arabe
Section basée sur le rapport régional préparé
par Atidel Mejbri du Centre de la Femme arabe pour la formation et la
recherche (CAWTAR).
Introduction
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Entrevue pour l'émission de radio quotidienne de FIRE
diffusée par Internet pendant la Session extraordinaire de
l'ONU "Femmes 2000", New York, juin 2000.
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Les médias jouent un rôle crucial dans la construction
de limage de la femme et dans lorientation des représentations
collectives et des attitudes à son égard. Un travail de
sensibilisation et de responsabilisation des journalistes simpose
donc, afin daméliorer limage de la femme dans les médias.
Les médias perpétuent les préjugés et les
stéréotypes qui sous-estiment et dévalorisent lapport
des femmes dans leffort de développement et accablent leur
statut dattributs négatifs. Les médias sont un outil
privilégié de transmission des informations et des idées.
Ils exercent une influence énorme sur le contexte social de la
région, par conséquent sur la nature des relations entre
les différents secteurs de la société.
La télévision, à elle seule, domine depuis
1960 les attitudes et les comportements. Environ 85 % des enfants
du Qatar passent quatre heures par jour devant la télévision.
Un sondage réalisé par le ministère de la Jeunesse
et du Sport de Tunisie en lan 2000 et touchant 10 000
jeunes a révélé que 95 % des jeunes regardent
la télévision, 88,8 % écoutent la radio et 70,7 %
lisent les journaux. Un tiers de ces jeunes consacrent de une à
trois heures par jour à regarder la télévision.
Ces enfants et ces jeunes sont exposés à des milliers
de messages qui représentent un moyen dapprentissage bien
qu'ils traduisent rarement des valeurs éducatives et sociales basées
sur légalité entre les sexes. Selon les rares recherches
effectuées dans le monde arabe, ces messages favorisent des attitudes
et comportements destructeurs pour certaines catégories de la société.
Les stéréotypes répandus à travers les médias
servent à favoriser une discrimination que subissent les femmes
et les minorités.
Les jeunes entre 13 et 35 ans représentent 65 % de
la population arabe. Les chaînes par satellites sont actuellement
au nombre de 77 dans la région.
Objectification, infantilisation, asservissement domestique, victimisation
telles sont les tendances esquissées des femmes à travers
les médias selon un travail de synthèse effectué
par Adib Khadhour pour analyser le profil de la femme présenté
dans les études, enquêtes et recherches arabes sur la question.
Les femmes sont plus susceptibles de devenir des victimes que les hommes,
elles sont plus malicieuses et sont à la recherche dun mari
ou dun travail plus traditionnellement associé aux femmes.
Dans une autre étude, Mokhtar Touhemi enregistre lécart
entre les médias arabes et la réalité de la femme
rurale dans la région. Cet écart est le même, selon
Touhemi, entre les recherches dans le domaine et la réalité
de la femme rurale. Plusieurs études et enquêtes nationales
et régionales confirment les constats mentionnés ci-dessus.
LInstitut supérieur de linformation et de la
communication et le Fonds des Nations Unies pour la population viennent
de publier les résultats dune recherche sur « limage
de la femme à travers le discours médiatique au Maroc »
qui sont passés dans la presse écrite, à la télévision
et à la radio. La femme est absente comme citoyenne et acteur social
dans les journaux de langue arabe. Lespace rédactionnel qui
lui est consacré dans la presse de langue française est
minime. La télévision marocaine véhicule, par contre,
une image positive de la femme si lon nanalyse que les programmes.
Son statut social domine celui de la victime. La radio exclut quant à
elle la femme rurale de sa programmation.
En Tunisie, le thème « Femmes et médias »
constitue un sujet de recherche récent. La première étude
a été réalisée en 1989 par lONG Union
nationale de la femme tunisienne. On attendra les années 90 pour
voir mener des recherches exhaustives et organiser des ateliers et séminaires
sur la question.
La dernière en date, réalisée en lan
2000 par le Centre de recherches d'études, de documentation et
d'information sur la femme (CREDIF), révèle « la
part insignifiante des articles publiés dans les rubriques Économie
et régions » et que « les sujets féminins
constituent bien plus une matière reçue quune matière
recherchée ». Selon cette étude, les quotidiens
nhésitent pas dune manière illégale,
il est vrai à exploiter des faits divers mettant en scène
des femmes dans le but dappâter les lecteurs et daugmenter
les ventes du journal.
Une étude menée par le Centre de la Femme arabe pour
la formation et la recherche (CAWTAR) dans quatre pays arabes, la Tunisie,
le Yémen, les Émirats et la Jordanie,
comprend un chapitre consacré à lanalyse de la couverture
par la presse de la célébration de la Journée internationale
de la femme (JIF). Létude dénombre 173 articles publiés
par les pays constituant léchantillon avant et après
le 8 mars.
Le reportage vient en tête de tous les autres genres dans
une proportion de 42,4 % du total des articles. En dépit de
la célébration officielle de la Journée internationale
de la femme et lorganisation dun grand nombre de manifestations
liées à cet événement, seulement deux
éditoriaux étaient consacrés à la femme dans
les journaux de Tunisie. De tels éditoriaux étaient totalement
absents des publications de presse de Jordanie, du Yémen
et des Émirats arabes unis. Étant donné
que cest léditorial qui exprime les choix et orientations
du journal, le fait que la thématique « femme »
soit négligée témoigne dune faible implication
des titres étudiés à légard de la promotion
du statut de la femme et de la prise en charge de sa cause.
Les articles de fond et danalyse ne représentent que
20,2 % de lensemble des articles publiés. La répartition
des articles par sexe révèle que ceux qui sont signés
par les femmes sélèvent à une moyenne de 55,7 %
dans les quatre pays. On constate que les articles rédigés
par des femmes sont plus longs que ceux rédigés par des
hommes.
La « situation de la femme » et le « statut
juridique de la femme » sont les sujets les plus fréquemment
traités dans la matière journalistique publiée dans
les pays concernés par létude à loccasion
de la JIF.
Au Yémen, la presse a consacré une large part
de ses articles sur la femme au domaine de la politique ; suivie
en cela par la presse de Jordanie. Les organes de presse en Tunisie
nont consacré quun nombre réduit darticles
à un tel domaine, tandis quaux Émirats arabes unis
les publications de presse nont présenté aucun
article sur « la femme politique ».
Létude a dénombré 15 rôles sociaux
attribués à la femme. La femme est apparue en premier lieu
comme « citoyenne » dans les publications des quatre
pays. Les femmes créatrices, les femmes militantes et les femmes
mères et épouses sont également présentes.
Les articles faisant paraître la femme dans un « rôle
moderne » représentent 85 % des espaces réservés
aux femmes, soit en sa qualité de citoyenne ou de responsable,
d'écrivain, de créatrice ou d'activiste dans le milieu associatif
ou encore de travailleuse moderne.
Les journaux des quatre pays ont véhiculé un discours
positif de soutien au droit de la femme et valorisant le rôle de
la femme. Toutefois, la plupart des articles sont des comptes rendus concernant
des déclarations et activités de décideurs politiques
ou dactivistes dassociations et de diverses organisations
et qui ne sont donc pas à mettre à lactif ou au passif
des professionnels de linformation.
Qua-t-on fait devant une réalité qui sannonce
différente et quelquefois contradictoire ?
Il est vrai que les différents pays du monde arabe disposent
de points communs : la langue, certaines législations et le
mode de vie. Cela rend la standardisation de certaines actions, notamment
médiatiques, possibles et réalisables, une standardisation
impossible à réaliser dans dautres régions,
notamment en Asie à cause de la diversité linguistique.
Cependant, des différences énormes entre les pays arabes
persistent à tous les niveaux, politique, économique, législatif,
social et médiatique.
Les multinationales ont réussi à offrir une communication
globale grâce à lidentité forte de leurs marques.
Pendant très longtemps, les seuls médias régionaux
étaient les journaux. Le développement de la technologie
dune part, la langue commune de l'autre ont favorisé la mise
en place de télévisions régionales et on assiste
aujourdhui à lémergence de télévisions
régionales par satellite, avec décodeurs et la télévision
câblée. Internet se développe de son côté,
offrant dautres espaces dexpression, déchange
et de « réalité commune ».
La place des femmes dans les médias
Les femmes demeurent considérablement sous-représentées
dans les postes de gestion et de décision dans les médias.
En Tunisie, les étudiantes représentent 69 %
des effectifs à lInstitut de presse et des sciences de l'information,
lunique institution de formation universitaire spécialisée.
En 1997 et 1998, les femmes représentaient 25 % de leffectif
total des journalistes titulaires de la carte professionnelle, contre
16 % en 1987. À la radio et à la télévision,
les femmes représentent 50 % de leffectif ; pourtant,
le nombre de femmes occupant un poste de décision ne dépasse
pas trois.
Cette situation a amené le CAWTAR à réaliser
en 1998 une étude dans quatre pays arabes, la Tunisie, le
Yémen, les Émirats et la Jordanie.
Létude portait sur les femmes professionnelles de linformation
et sur leur vision de la relation de la femme avec son travail et de la
place de la femme dans le domaine de linformation.
La proportion des professionnelles de linformation qui traitent
des questions politiques et dintérêt national ou international
atteint 47,3 % au Yémen, 36 % en Jordanie, 32 %
en Tunisie et seulement 2,1 % aux Émirats arabes unis. Pour
ce qui est de leurs sujets préférés, ces femmes ont
placé les questions sociales en tête avec 19 % des réponses,
suivies des affaires de la femme à 13,1 %, des événements
internationaux à 12,1 % et des thèmes culturels à
11,7 %.
Le sentiment de discrimination éprouvé par les femmes
professionnelles de linformation par rapport à leurs collègues
hommes et dans le cadre de lexercice de leur travail existe dans
une proportion plutôt atténuée : entre 14 %
et 16 % de ces femmes ont ce sentiment en Jordanie, au Yémen
et aux Émirats arabes unis, alors quen Tunisie elles ne sont
que 4,2 %. Les femmes interrogées considèrent que leur
choix dexercer le métier de linformation est accepté
dans une proportion de 90 % par leur environnement familial et social.
Limage de la femme dans les médias est jugée positive
par 65,3 % dentre elles, avec quelques différences.
En Jordanie, 82 % jugent cette image positive, tandis quen
Tunisie elles ne sont que 53,5 % à partager cet avis.
Une majorité de 63,2 % des femmes interrogées
considèrent que lespace consacré à la femme
nest pas suffisant quand il nest pas extrêmement réduit.
En Tunisie, 57,6 % dentre elles considèrent que cet
espace est suffisant ou très important.
Pourtant, 54,9 % des femmes en Tunisie sopposent
à létablissement de rubriques ou de programmes permanents
pour les femmes dans les médias, car elles estiment que la spécificité
consacrerait la discrimination entre les deux sexes, quil ne faut
pas séparer les préoccupations des femmes de celles des
hommes et quil faut adresser les mêmes discours aux deux sexes,
sans exclusion ni préférence aucune. Ces opinions sont partagées
par une minorité de professionnelles de linformation de Jordanie
(26 %) et des Émirats arabes unis (20,7 %).
Les femmes et les TIC
Pour que lutilisation dInternet se répande dans
le monde arabe, il faudra remédier à « lanalphabétisme
technologique » : 72,1 % des jeunes Tunisiens (de
15 à 29 ans) déclarent dans un sondage effectué par
le ministère de la Jeunesse et du Sport quils ne disposent
pas dinformations exhaustives sur ce sujet. Seulement 9 % dentre
eux utilisent Internet. Très peu de femmes utilisent Internet à
cause dun manque dinfrastructures en télécommunications
et des coûts assez élevés des outils informatiques
et de la connexion. Environ 4 % des femmes arabes accèdent
à Internet. Le taux sélève à 50 %
aux États-Unis et à 35 % au Brésil. Cette situation
sexplique en partie par les taux élevés danalphabétisme
chez les femmes de la région.
Il y a pourtant plusieurs sites arabes : Arabwomenconnect.org,
ALARB, arabsgate, atyab, raddadi et marweb ; et des magazines électroniques :
almarah.com, femme du Liban, lamarocaine.com, Femme du Maroc, hiya
branchés sur les exigences particulières des femmes arabes.
UNIFEM vient de lancer le premier forum de discussion en ligne,
en anglais, sur « le rôle potentiel actuel des médias
dans le renforcement du genre ». La langue constituera un handicap
pour un grand nombre de journalistes arabes.
Dans son rapport préliminaire, le plan daction des
ONG arabes (2001-2005) ne consacre aucune recommandation aux nouvelles
technologies. Il insiste par contre sur la formation et la création
des réseaux.
Le réseau, un outil puissant
La nécessité des réseaux dans une époque
fortement marquée par le processus de globalisation et de mondialisation
devient une question fondamentale qui prend de plus en plus dampleur
et dintérêt. Les différents types dagrégations
et de liens reviennent sur le devant de la scène et, en passant
par le développement des technologies de linformation et
de la communication (télématique, Internet, vidéo-texte,
etc.), ont tendance à avoir une multiplicité de modulations.
Ce constat nous permet de présenter notre époque comme celle
des réseaux et de rendre compte de la naissance dun nouvel
« esprit du temps » basé sur une autre logique
communicationnelle.
Le CAWTAR sest fixé comme objectif dinstaurer
une tradition de partenariat et déchange dexpériences
tirant profit du développement technologique. Ses réseaux
spécialisés, lun sur la mondialisation et sur le rôle
économique des femmes, et lautre sur ladolescente arabe,
regrouperont les différents intervenants dans le domaine de la
femme, y compris les ONG et les médias. Le CAWTAR, en tant quONG
régionale, a établi une convention avec lUnion des
télévisions arabes afin dinstaurer un prix de la meilleure
production sur la femme dans le Festival des télévisions
et radios arabes. Les deux institutions entameront en octobre 2001 la
production dune série de documentaires sur la femme arabe
qui seront diffusés sur les chaînes arabes membres de lUnion.
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