Évaluation parallèle de l'application de la Section J, Femmes et Médias, du Programme d'action de Beijing, établie à partir des rapports ONG

WomenAction 2000 - CSW

 

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This report is also available in English and Spanish

coordonnée par Isis International-Manila au nom de WomenAction 2000
Compilation: Meena M. Shivdas

Rapports régionaux et soutien éditorial: Mavic Cabrera-Balleza, Susanna George et Luz Maria Martinez d'Isis International-Manila; Karen Banks, Dafne Sabanes Plou et Jill Small pour l'Association for Progressive Communications-Women's Networking Support Programme (APC-WNSP); et Sally

Burch de l'Agencia Latinoamericana de Informacion et APC-WNSP

Traduction: Dafne Sabanes Plou d'APC-WNSP, Maryvon Delanoë

Mise en page: Irene R. Chia d'Isis International-Manila

Le contexte

Le Programme d'action de Beijing (PAB) adopté par les États Membres de l'ONU en 1995, traite dans sa Section J des questions à considérer sur le sujet Femmes et Média et comporte les objectifs stratégiques et les mesures à prendre pour répondre aux préoccupations des femmes en ce qui a trait aux médias. Bien que le PAB reconnaisse les progrès dans le domaine de la technologie de la communication, il est important de souligner que la représentation des femmes dans les médias continue d'être stéréotypée, accompagnée d'une augmentation considérable d'images dans les médias qui perpétuent la violence à l'égard des femmes, ainsi que le manque d'accès des femmes à l'expression et à la prise de décisions dans les médias et par leur entremise. Les recommandations faites aux gouvernements, aux ONG et aux organisations médiatiques se classent sous deux objectifs stratégiques spécifiques: 1) plus grande participation et meilleur accès des femmes à l'expression et à la prise de décision dans et par les médias et les nouvelles technologies de la communication; 2) promotion d'une représentation des femmes équilibrée et non stéréotypée dans les médias.

Le PAB demande que des mesures soient prises dans les domaines suivants: les politiques médiatiques relatives à la problématique homme-femme, la représentation des femmes dans les médias et les positions relativement secondaires occupées par les femmes dans les organisations médiatiques. Le PAB met l'accent sur l'importance d'intégrer une perspective sexospécifique aux politiques et programmes des médias. Il met également l'accent sur la revendication d'un changement dans les médias grand public qui soit fondé sur une surveillance constante du contenu et de la sensibilité à la cause des femmes qu'ils affichent.

Quels ont été les progrès enregistrés dans l'application cinq ans plus tard? Ce rapport d'évaluation parallèle réunit les analyses et les efforts collectifs de militantes, de professionnelles des médias, d'universitaires et des recherchistes qui ont surveillé et examiné les efforts des gouvernements pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans la Section J du PAB. Il aborde également les questions émergentes et les nouvelles préoccupations recensées depuis l'adoption du PAB et dégage des stratégies de changement.

Au sujet de ce rapport

Ce rapport fait le compte rendu des discussions sur des sujets de préoccupation émergents, tels que la mondialisation des médias et ses répercussions sur la vie des femmes, ainsi que des défis et obstacles que présentent les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC). Le rapport attire l'attention sur les scénarios en évolution rapide des médias et esquisse des stratégies pour améliorer l'accès des femmes à l'expression et à la prise de décisions dans et par les médias et les nouvelles technologies de la communication et faire prévaloir des images qui donnent une représentation plus diverse et plus réaliste des femmes. Le rapport est présenté sous le format que la DPF/ONU et la CCF/ONU ont suggéré aux États Membres pour faire rapport de leurs progrès dans la mise en œuvre du PAB.

Le rapport est compilé principalement à partir de trois rapports ONG régionaux Femmes et Médias rédigés spécifiquement à l'intention du document d'évaluation parallèle. Il s'agit des rapports pour l'Asie compilé par Isis International-Manila, pour l'Amérique latine et les Caraïbes par (ALAI) Agencia Latinoamericana de Informacion--Quito et l'Association for Progressive Communications-Amérique latine, et pour le bureau de l'ONU pour l'Union européenne compilé par (APC) Association for Progressive Communications--Londres. Ce document comporte également de l'information sur le rapport parallèle traitant des 12 domaines critiques de préoccupation pour l'Asie occidentale -- préparé par le réseau d'ONG féminines du monde arabe -- et de l'information sur la Section J et la situation concernant les TIC provenant de l'African Information Society Gender Working Group (AISGWG). Des données ont également été obtenues des rapports régionaux de l'ONU (ESCAP; ECSWA; ECA; ECLAC, CEE), de sites web pertinents de l'ONU (WomenWatch; CCF/ONU; DPF/ONU), d'analyses et de rapports d'ONG sur les femmes et les médias, et des discussions en ligne pour passer en revue la mise en œuvre des recommandations de la Section J du PAB.

Bien que nous ayons fait tous les efforts possibles pour rendre compte de la diversité des situations rencontrées dans les médias mondiaux et de la variété des expériences des femmes avec les médias, dans les différentes régions depuis Beijing, ce rapport reconnaît qu'il y a des limitations quant à vouloir présenter un document parallèle 'mondial'. Tout d'abord, nous avons reconnu la tendance à généraliser les situations et les positions et nous avons pris grand soin d'illustrer les affirmations et les points de vue avec des exemples de régions ou de pays spécifiques. Ensuite, le rapport risque de ne pas couvrir toutes les mesures entreprises par des groupes de femmes, des recherchistes, des universitaires, des activistes du domaine des médias, des professionnelles des médias et autres personnes qui surveillent, depuis la première ligne, la mise en œuvre de la Section J et qui s'efforcent d'obtenir un changement aux niveaux de l'élaboration des politiques, de la pratique et des réalités 'sur le terrain'. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'Afrique, l'Asie occidentale et une bonne part de l'Europe de l'Est pour lesquelles nous n'avons pas pu obtenir des évaluations de la Section J par les ONG. Dans le cas de l'Afrique, comme nous l'a fait remarquer à juste titre l'AISWSG, en plus des contraintes logistiques, de temps et d'information, la valeur d'un rapport régional produit dans le seul but de compiler un document 'mondial' est, à ce stade, limitée. La raison étant qu'aucun processus uniforme mondial d'examen et d'évaluation de la mise en œuvre de la Section J par les ONG n'a encore été défini en utilisant des indicateurs convenus pour mesurer les progrès et/ou les régressions dans les différentes régions. Il n'y a pas de cadre systématique d'analyse pour la surveillance comportant des variables et des références acceptées par tous. En outre, le groupe estime que tout effort d'évaluation ou de surveillance doit être envisagé dans le cadre d'un processus continu de changement. En Asie occidentale, bien que nous ayons déployé des efforts insistants pour contacter des groupes en vue d'une évaluation des progrès de la Section J, des contraintes de temps et autres ont empêché l'inclusion des résultats de ces efforts.

Nous nous rendons compte que certains des rapports et des données provenant des régions portent principalement sur les TIC. Bien que cela soit un témoignage de l'usage croissant des TIC par les femmes, c'est également une indication du travail qu'effectuent les groupes qui ont assemblé le rapport. Ces groupes utilisent les TIC dans leurs efforts de mise en œuvre et de revendication en ce qui concerne les médias. Cependant, ce facteur n'exclut aucunement les efforts des femmes qui travaillent avec d'autres moyens de communication, y compris la presse écrite, la radio, la télévision, les films et les modes de communication traditionnels et indigènes, tels que les histoires orales, les contes et la danse. Nous reconnaissons tous les efforts que font des femmes partout dans le monde pour corriger les erreurs des médias.

Nous remercions toutes celles qui ont contribué à la parution de ce rapport de leur généreux soutien et de leur dur travail. Nous espérons que ce document s'avérera utile aux activistes du domaine des médias, aux professionnelles et aux analystes des médias, de même qu'aux responsable de l'élaboration des politiques.

 

I. Introduction

La Section J du PAB dégage cinq points essentiels du thème Femmes et Médias. Ce sont:

  • Les progrès de la technologie de l'information, en particulier la capacité des réseaux de communication à traverser les frontières nationales, qui présentent des avantages tout comme des désavantages pour les femmes;
  • La croissance du nombre de femmes travaillant dans le secteur des communications, bien que cela n'ait pas influé sur un plus grand accès au pouvoir et à la prise de décision pour elles dans les organisations médiatiques; les femmes ne sont pas non plus en mesure d'influencer les politiques relatives aux médias;
  • Le manque de sexospécificité dans les politiques et programmes des médias; la promotion accrue de la consommation; et la nécessité d'établir des mécanismes d'autoréglementation pour les médias;
  • La représentation stéréotypée des femmes qui persiste dans les médias et le nombre croissant d'images violentes et pornographiques;
  • Les obstacles à la capacité des femmes d'avoir accès à l'inforoute électronique; et la nécessité de faire participer les femmes au développement et à la dissémination des nouvelles technologies de l'information.

Ce rapport révèle que cinq ans après que les gouvernements ont adopté le PAB et se sont engagés à appliquer ses recommandations, bon nombre des préoccupations exprimées dans la Section J n'ont pas encore été dissipées, tandis que de nouvelles préoccupations se sont manifestées. L'information offerte dans les divers rapports régionaux indique que bien que des progrès aient été accomplis dans la mise en œuvre des recommandations contenues dans la Section J, une bonne part des progrès sont le résultat de la surveillance constante, des échanges d'information et des efforts de lobbying des organisations de femmes et des groupes d'évaluation des médias. Ce fait est signalé dans les évaluations et les analyses des ONG ainsi que celles des gouvernements. Les évaluations gouvernementales officielles présentées à l'ONU et les rapports des ONG indiquent qu'il y a eu un plus grand nombre de femmes engagées au niveau professionnel par les organisations médiatiques et notent un accroissement du pourcentage d'étudiantes obtenant un diplôme en journalisme ou en communications de masse. La situation concernant les femmes et les médias en Asie et en Amérique latine suit cette tendance.

Cependant, les images et la représentation négatives des femmes persistent dans les médias ce qui pourrait être dû au fait que les codes nationaux relatifs aux médias ne sont pas respectés et, dans certains cas, au fait que de tels codes n'existent même pas. De plus, les femmes ont encore un accès limité à la prise de décision dans les industries et aux conseils et organes directeurs qui surveillent l'élaboration et l'exécution des politiques médiatiques et leur participation à ces niveaux reste moindre. Les professionnelles du domaine continuent à faire face à une discrimination en raison de leur sexe et au harcèlement sexuel à leur lieu de travail. Le pouvoir de déterminer le caractère des médias et de l'influencer reste encore hors de la portée des femmes. En tenant compte de ce qui précède, on peut dire que les organismes gouvernementaux, les organisations médiatiques et les ONG ont encore beaucoup à faire pour atteindre les deux objectifs stratégiques cités dans la Section J.

Même si la Section J a bien cerné certaines des préoccupations des activistes, des recherchistes et des professionnelles des médias dans son analyse de la situation des femmes face aux médias, elle n'a pas examiné toutes les dimensions de la relation entre les femmes et les médias. Aucune mention n'y est faite des réalités économiques et politiques au sein desquelles les grandes sociétés transnationales médiatiques perpétuent les inégalités et les injustices et aucune reconnaissance n'y est accordée à la vulnérabilité des femmes en tant que gardiennes traditionnelles du savoir indigène dans cet environnement. Les femmes sont concernées par le manque d'analyse de la mondialisation des médias, en particulier les regroupements de sociétés transnationales de médias et les changements d'appartenance au niveau national qui ont des conséquences sur le contenu et l'intention des médias.

Le rapport d'Asie signale le quasi-monopole des sociétés transnationales médiatiques qui délogent peu à peu les entreprises médiatiques nationales, laissant encore moins d'espace aux femmes que ce soit dans les grands médias ou dans les médias parallèles. De plus, la mondialisation des médias prépare le terrain à une plus grande commercialisation, à une consommation accrue et, surtout, à l'homogénéisation des cultures entraînant la marginalisation des opinions, des cultures et peuples minoritaires et indigènes. En Amérique latine et dans les Caraïbes, les femmes affirment que des organismes multimédias gigantesques contrôlent différents types de médias entraînant la représentation inégale de tous les acteurs sociaux. Entre-temps, des questions aussi cruciales que la liberté d'expression et d'information et les mécanismes pour assurer la responsabilité avec l'usage accru des TIC, inquiètent les femmes de la région européenne de l'ONU. Les femmes du monde arabe reconnaissent que même si les femmes occupent des postes importants de prise de décision dans les organisations et institutions médiatiques, il n'en reste pas moins beaucoup de travail de défense et de promotion à faire pour contrer les images stéréotypées des femmes dans les médias.

La surveillance de la mise en œuvre de la Section J n'est pas sans difficultés. Les politiques et processus structuraux et de procédure en vigueur dans de nombreux pays compliquent énormément le travail d'examen et d'évaluation. Le rapport de la CEE suggère que certains gouvernements ont restructuré leurs organes nationaux pour la promotion de la femme sans nécessairement intégrer leur mandat relatif à la parité entre les sexes dans d'autres mécanismes institutionnels nationaux et régionaux régissant les médias et ceux qui régissent le développement des TIC. Dans de nombreux cas, les rouages nationaux pour la promotion de la femme qui sont chargés de veiller à la mise en œuvre du PAB n'ont ni les ressources, ni le pouvoir nécessaires.

Un autre facteur important à prendre en considération dans les évaluations par l'ONU et les ONG de la mise en œuvre du PAB est l'absence de la section sur les médias, ou la place minime qui lui est accordée, dans les divers Plans d'action régionaux qui ont été adoptés avant la Conférence de Beijing. Il semble que les sections sur les médias des Plans d'action régionaux reflètent davantage les situations courantes des médias et les recommandations étaient davantage ancrées dans les réalités contextuelles. Par exemple, le Plan d'action de l'Asie-Pacifique décrivait la situation changeante des médias et la menace aux formes de communication et cultures indigènes par l'irruption toujours plus importantes d'images étrangères et homogènes. Ce document décrit également les modèles de propriété et a établi des rapports entre les intentions des entreprises et le contenu des médias. Bien que le PAB ait tenté d'élaborer une image mondiale des médias en fonction des différentes situations régionales, les politiques d'exclusion fondées sur les intérêts nationaux perçus dans les délibérations de l'ONU, les limitations des procédures de l'ONU et d'autres facteurs ont gravement limité la portée de la Section J.

Outre les limitations significatives associées à la portée intellectuelle et aux analyses, aux politiques de négociation à l'échelle mondiale et aux obstacles structuraux et de procédure qui compliquent l'évaluation de la mise en œuvre mentionnées ci-dessus, la Section J du PAB a d'autres problèmes associés à l'examen et l'évaluation qui proviennent des réalités politiques et socio-économiques dans les différents pays. L'analyse de l'Amérique latine souligne que les démocraties faibles dans la plupart des pays de la région fonctionnent dans le cadre des programmes inflexibles d'ajustement structurel qui leur sont imposés, rendant leurs institutions, les médias entre autres, vulnérables face aux intérêts économiques en place. Cette situation a des répercussions sur le rôle des médias dans la mobilisation de la société civile et la promotion de la démocratisation et de la participation politique. De l'information venant d'Afrique1 soutient que la Section J présente des limitations pour ce qui est d'évaluer les engagements et les actions des gouvernements en ce qui concerne les nouvelles TIC, étant donné que le document mondial ne prévoit pas la croissance rapide et l'expansion des TIC et n'examine pas vraiment leur influence et leur impact.

Toutes les analyses sus-mentionnées de l'évaluation de la mise en œuvre de la Section J du PAB attirent l'attention sur les couches et les dimensions complexes qui doivent être déconstruites et comprises dans les cadres pertinents, dont celui des réalités socio-politiques et économiques de tous les pays qui composent la communauté mondiale. Ce rapport fait appel à une meilleure compréhension des relations établies entre la mondialisation et la représentation des femmes dans les médias, l'accès à l'expression et la prise de décision dans tous les moyens de communication, y compris les TIC.

 

II. Résultats de l'évaluation

Les gains

Asie
Tout comme on remarque un accroissement notable du nombre de femmes dans les institutions d'études des mass médias, on recense aussi un plus grand nombre de femmes travaillant dans la presse écrite, la radio et la télévision. Cet accroissement du nombre de femmes employées par des institutions médiatiques a entraîné une plus grande couverture des questions concernant les femmes. Tandis que la plupart des femmes qui travaillent dans les médias occupent encore des postes du niveau de journaliste, on note quelques exceptions où des femmes ont monté à des postes de plus haut échelon - p. ex., au niveau de rédaction et de gestion dans des agences de publicité - comme en Indonésie, en Malaisie et aux Philippines. Le plus grand nombre de femmes travaillant dans les médias a également donné lieu à la formation d'associations professionnelles où les femmes peuvent discuter des questions relatives aux médias dans leur pays. Il existe, par exemple, des associations de femmes journalistes dans des pays comme la Chine (Association de femmes journalistes de Chine), la République islamique d'Iran et la Corée du Sud (Club de femmes journalistes de Corée du Sud). Cependant, alors que davantage de questions concernant les femmes bénéficient d'une couverture dans les médias, la représentation des femmes continue à être, de façon générale, négative. Ce fait peut être attribué à l'absence d'une masse critique de femmes en postes de prise de décision et, ce qui est un aspect plus important, les entreprises médiatiques pour lesquelles elles travaillent sont motivées par le profit et les questions concernant les femmes ne sont pas considérées comme rentables.

Les nouvelles technologies de l'information (TIC) ont permis aux femmes d'établir plus efficacement des liens et des réseaux entre elles et de partager plus rapidement l'information et les ressources. Le mouvement des femmes dans la région utilise de plus en plus les moyens de communication électroniques pour ses efforts de revendication et de solidarité. En Asie centrale, le courrier électronique (e-mail) est devenu un outil précieux permettant l'échange d'idées et d'information parmi les organisations ainsi qu'un moyen de surmonter l'isolement relatif des pays de cette sous-région par rapport au mouvement mondial. Dans la plupart des anciens États soviétiques, les mass médias sont encore très censurés et l'Internet est devenu un moyen de contourner la censure et la répression de l'information. Toutefois, le Kazakhstan a récemment adopté une loi qui menace le pouvoir de l'information et de la communication dans la région. Sa politique «Sur l'établissement d'un bureau de facturation des tarifs de télécommunication» permet le dépistage de tous les messages e-mail et consultations de l'Internet pour censurer l'information «importune».

Un autre développement récent est l'usage des TIC pour renforcer l'usage social des médias traditionnels comme la radio. Actuellement, il y a des modèles innovateurs d'usage des TIC pour prolonger la portée de la radio et sa capacité d'interagir avec les auditeurs, pour la rendre plus pertinente sur le plan culturel et pour améliorer la qualité de la programmation. Profitant de cette convergence technologique, des programmes de radio de femmes sont diffusés de nos jours dans des pays comme le Sri Lanka et le Népal.

La radio est le moyen de communication le plus accessible en Asie du Sud, dans les îles du Pacifique, en Asie du Sud-Est, en particulier dans la région du Mékong. On trouve dans ces pays des programmes de radio de femmes en dépit du peu de soutien que ces programmes reçoivent des gouvernements ou de sources privées. Les taux généralement bas d'alphabétisation dans ces pays non-NIP (à l'exception des Philippines) expliquent également la popularité de la radio. Les conclusions d'une recherche2 de 1998 sur la radio indiquent que la radio atteint entre 60 et 88 pour cent de la population dans la région.

Le matériel imprimé destiné aux femmes a aussi connu un accroissement. En Chine, il y a 42 publications périodiques différentes et trois journaux destinés au public féminin. Au Japon on compte trois grands journaux féminins et, pendant l'expansion économique des années 1990, l'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande ont vu un essor de magazines féminins, en particulier de magazines de beauté et de mode3.

Les groupes de femmes de la région utilisent de plus en plus l'Internet pour communiquer entre eux et partager l'information. De plus, les femmes ont décidé de modifier elles-mêmes les outils techniques en compilant un index de bases de données multilingue qui est accessible par le web et fournit de l'information sur différents sujets en japonais, en philipino, en coréen et en anglais. À ce stade, la base de données sert de modèle pour partager les ressources, dans plusieurs langues4, sur les sujets contemporains de préoccupation pour les femmes dans la région. Tandis qu'un plus grand nombre d'organisations de femmes découvrent les avantages de l'Internet pour la communication et la recherche documentaire, beaucoup d'entre elles n'ont pas encore commencé à disséminer leur propre information par l'Internet. Parmi les pays qui ont leurs propres sites web et sont en mesure de partager leur expertise avec des groupes de femmes dans d'autres pays, citons l'Australie, le Japon, la Malaisie, la Nouvelle- Zélande, la République de Corée, Singapour et la Thaïlande5.

Amérique latine
Le droit des femmes à la communication est un droit fondamental inaliénable qui exige une pluralité de sources d'information et de médias, en plus de l'administration démocratique et transparente des politiques en matière de communication, l'équité et la justice pour les femmes. Au cours de la dernière décennie, les femmes ont atteint plusieurs objectifs dans leurs rapports avec les médias en Amérique latine et dans les Caraïbes. On peut sans doute expliquer ces réussites par l'importance qu'ont acquis les études de journalisme et de communications sociales dans les universités en vue d'une carrière professionnelle. Par exemple, en Argentine, les étudiantes représentent 52 pour cent des inscriptions aux cours de second cycle universitaire6, tandis que 70 pour cent des étudiants suivant des études supérieures dans la région7 sont des femmes.

Le fait que plus de femmes étaient mieux formées dans le domaine des communications leur a permis de travailler pour des organismes médiatiques privés et publics, surtout pour la radio et la télévision, non seulement en tant que présentatrices, mais également en tant que journalistes, animatrices d'émissions, intervieweuses et analystes de l'information. Leur présence à la radio et à la télévision en tant que réalisatrices d'émissions d'actualités a aussi augmenté. Les principaux quotidiens ont engagé des femmes journalistes pour faire des reportages sur la politique, l'économie et les affaires sociales. Bien que la participation des femmes au niveau de la prise de décision dans les médias soit notoirement négligeable, le seul fait que des femmes travaillent dans les médias contribue à l'espoir qu'elles finiront par assumer des fonctions plus importantes, exprimer leurs opinions, mener les interviews et diriger les programmes. Cela aide la société à avoir une différente perception des femmes alors qu'elles contribuent leurs connaissances et leurs efforts dans différents domaines. Dans ce cadre, les femmes en Amérique latine et aux Caraïbes estiment que les progrès accomplis grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication sont utiles en offrant d'importantes possibilités pour rendre visible la contribution des femmes à la société.

L'année 1995 a marqué une grande expansion de la connectivité Internet commerciale dans la région. Depuis lors, on observe une croissance progressive de l'accès à l'Internet, mais principalement pour ceux qui ont un haut niveau d'instruction et une situation économique aisée. La proportion d'utilisatrices augmente, mais reste bien inférieure à celle d'utilisateurs masculins. Selon le PNUD8, en 1998 seulement 0,8 pour cent de la population de la région avait accès à l'Internet. Sur ceux-ci, 90 pour cent venaient de groupes de revenus élevés. Au Brésil, 25 pour cent seulement des utilisateurs de l'Internet sont des femmes. Une étude9 effectuée au Mexique en 1999 a révélé que 33 pour cent des utilisateurs sont des femmes comparé à 18 pour cent deux ans plus tôt. À part l'usage commercial de l'Internet, les organisations de la société civile ont commencé à utiliser la communication électronique dans la région dès le début des années 1980 et une augmentation considérable de l'usage par les organisations de femmes à compter de 1994-1995. Les organisations de femmes ont continué à utiliser ces technologies de façon créative, particulièrement pour coordonner les activités et l'échange d'information par le courrier électronique et les listes, leur présence est également en hausse sur le World Wide Web.

Les femmes estiment qu'il est important d'engendrer une nouvelle culture audio et visuelle pour encourager une démocratie sexospécifique, afin de promouvoir l'égalité des chances pour les femmes et les hommes à tous les niveaux, y compris de la prise de décision aux niveaux politique, économique, social, culturel et celui des communications. Les femmes doivent relever le défi de travailler à la formulation de stratégies et de propositions qui aboutissent à une reconnaissance publique des nouveaux rôles que jouent les femmes dans la vie privée et publique et de leur contribution en tant qu'intervenantes dans la société civile. Les femmes s'efforcent de faire prévaloir une image intégrale des femmes comme sujets des communications et citoyennes avec leurs pleins droits. Les Bureaux de la condition féminine de Colombie et du Venezuela ont pris ces principes en ligne de compte et les illustrent dans les émissions de télévision qu'ils réalisent de façon régulière. La nécessité de revendiquer l'exercice de leurs droits dans le domaine des communications a poussé les femmes chiliennes à se battre pour obtenir une place au Comité national de la télévision.

Les femmes jouent des rôles importants dans les médias communautaires en dirigeant et en planifiant la programmation ainsi que dans les démarches de prise de décision, à la direction et dans l'administration. L'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC) dans la région latino-américaine a développé un Programme dans le but de former les femmes pour travailler à la radio et établir des programmes qui aient une perspective sexospécifique. Ses campagnes radiophoniques «Les droits des femmes sont les droits de la personne humaine» et « Nous avons droit de vivre sans violence» ont obtenu une reconnaissance internationale et ont été rediffusées par des milliers de stations de radio communautaire dans la région. Bien qu'il soit vrai que dans la majorité des pays les stations de radio et de télévision communautaires se battent pour obtenir un statut juridique, il vaut la peine de noter que la Colombie a adopté, en 1998, une nouvelle loi sur la radiodiffusion qui a légalisé les médias communautaires.

À l'atelier «WomenAction 2000», donné à Quito en Équateur, les réseaux de communication des femmes ont élaboré une stratégie pour participer au processus Beijing+5. À cette occasion, les participantes ont préparé un document «Nosotras cumplimos...¿Y ustedes?» (Nous avons accompli notre tâche... et vous?) dans lequel elles reconnaissent les réalisations du mouvement des femmes de la région qui respectent les accords de Beijing et se posent des questions sur le manque d'action de la part des entreprises médiatiques et des gouvernements.

Région européenne de l'ONU
Les quelques exceptions notables à une situation plutôt négative dans son ensemble, sont souvent le résultat de revendications par les organisations féminines et les groupes de surveillance des médias qui ont joué un rôle actif en vue d'encourager le changement. Bien qu'une grande gamme d'initiatives médiatiques entreprises par des femmes ont eu un impact positif, des débuts de changement sont dus aussi à l'éducation et aux modèles positifs. Dans le domaine de l'édition scolaire, des efforts sont déployés depuis le début des années 1970 pour combattre les stéréotypes dans les textes et les illustrations des manuels scolaires. Les professionnelles des médias ont aussi amorcé des changements dans le contenu des médias; par exemple, au Canada, les radiodiffuseurs ont pris leurs distances d'une émission-débat populaire qui utilisait un langage sexiste et des images sexuelles violentes à l'égard des femmes, après que le CCNR (Conseil canadien des normes de la radiotélévision) a décidé que l'émission était de «caractère fondamentalement sexiste».

Il y a eu quelques initiatives gouvernementales louables, bien que celles-ci soient encore trop rares. Une étude de 1997 appuyée par la Commission européenne sur les Images de femmes dans les médias faisant exception. Les travaux de recherche offrent d'importantes recommandations et suggestions qui pourraient être mises en œuvre immédiatement, pourtant peu d'entre elles ont été adoptées dans la pratique. Dans une de ses résolutions (Résolution A4-0258/97), le Parlement européen (en fonction d'un rapport du Comité sur les droits des femmes) a noté que les législations nationales et européennes visant à protéger les femmes contre des représentations dégradantes dans les médias étaient inadéquates. Le Comité a demandé que des lois soient adoptées pour interdire toutes les formes de pornographie dans les médias et la publicité. La résolution a également dénoncé la publicité relative au tourisme du sexe.

Les autres domaines qui ont enregistré des progrès comprennent l'essor des TIC et la surveillance des médias par les groupes d'évaluation-médias. Le réseau national «Femmes dans les métiers, les technologies et l'exploitation industrielle» (WITT), avec un financement du DRHC (Développement des ressources humaines Canada), a établi Femmes dans la technologie de l'information (WinIT) pour encourager les filles et les femmes qui souhaitent envisager une carrière dans la technologie de l'information. Alors que la formation en matière de TIC a été reportée au palier provincial, la plupart des provinces ont mis sur pied diverses initiatives de formation au cours des cinq dernières années et trois d'entre elles ont privilégié les organisations de femmes. Santé Canada, par l'entremise de ces cinq Centres d'excellence pour la santé des femmes, finance des pages web et des serveurs de listes traitant de la santé des femmes. Il y a un exemple où les femmes ont utilisé les TIC dans le but d'assurer une représentation féminine égale à la nouvelle assemblée législative de Nunavut. Pauktuutit, l'Association des femmes inuit, a reçu un financement à court terme pour établir un réseau électronique en vue de poursuivre ses objectifs. La Condition féminine Canada (CFC) a financé une recherche en 1996 sur la connectivité des groupes de femmes. Malheureusement, la CFC a récemment supprimé le rapport de son site web.

 

III. Les meilleures pratiques

Ce qui suit est une liste de quelques-unes des meilleures pratiques mises en œuvre par des groupes de femmes, des organismes gouvernementaux et intergouvernementaux en Asie, en Amérique latine et dans la région européenne de l'ONU.

Asie : Les organisations médiatiques de femmes dans les régions sont en tête de file pour ce qui est des pratiques innovatrices

  • Au Japon, le Forum pour la télévision et les médias des citoyens (FCT), un groupe de citoyens bénévoles, s'efforce de changer l'environnement médiatique. Le FCT organise une tribune ouverte trois fois par an pour discuter des questions afférentes aux médias en fonction de ses recherches. Il publie également un bulletin d'information et effectue une surveillance de la télévision à l'échelle nationale en vue de sensibiliser les médias et ainsi habiliter les citoyens en les aidant à mieux comprendre les enjeux dans les médias.
  • Le Centre médiatique des femmes au Cambodge mène des campagnes dans les médias sur divers sujets concernant les femmes et réalise des programmes vidéo et radiophoniques. Il entreprend également des activités de surveillance des médias. Le gouvernement cambodgien a reconnu le Centre comme un partenaire pour améliorer le statut des femmes dans les médias.
  • Isis International-Manila, une ONG internationale de femmes, a assumé la responsabilité de réunir des groupes médias de femmes, des femmes travaillant dans les médias, des activistes, des universitaires et des responsables de l'élaboration des politiques médiatiques de la région. Elle organise des conférences, des ateliers, des forums régionaux et internationaux et d'autres activités pour traiter du thème Femmes et Médias. Elle offre des cours de formation aux femmes sur la production radiophonique, les réseaux électroniques, les bases de données et la gestion des centres de ressources. Elle dissémine de l'information aux femmes à travers le monde par le biais de son bulletin d'information mensuel, d'un magazine, de son site web et de sa liste de courrier électronique. Isis est la première organisation qui tente d'établir un code international de conduite à l'intention des professionnels des médias.
  • Le réseau d'échange de ressources, «The Asian Women's Resource Exchange» (AWORC), est un service d'information Internet pour les femmes comprenant des organisations féminines d'information, de médias et de communication en Asie. Il cherche à développer des démarches coopératives et des partenariats en examinant les applications possibles des nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) et en essayant d'améliorer l'accès des femmes à ces technologies en vue de leur habilitation sociale et économique. Ce réseau a pour objet de faciliter l'établissement et la consolidation de réseaux régionaux et nationaux au sein du mouvement des femmes par la promotion du partage des ressources électroniques et l'établissement d'un service d'information régional qui apporterait un soutien à divers programmes de défense et de promotion de la cause.
  • Kali for Women en Inde est une des principales maisons d'édition féministes en Asie. L'un des premiers livres qu'elle a publiés en 1984 était sur les Femmes et les Médias en Asie. Depuis lors, les livres publiés par cette maison d'édition traitent de diverses questions concernant les femmes dans la région, et surtout en Asie du Sud. Ces livres sont vendus à l'échelle internationale et nombreux d'entre eux ont été traduits dans d'autres langues.
  • Jagori, une ONG et un centre de ressources pour femmes fonctionnant à partir de l'Inde, publie des petits manuels et des affiches et produit des cassettes audio. Jagori a remis en question la notion que l'écriture est le seul ou le meilleur moyen de communication et a mis à l'essai l'usage de différents moyens de communication pour transmettre les messages du mouvement des femmes.

Amérique latine et Caraïbes: Au cours des cinq dernières années, les organisations de femmes ont sensibilisé le public au fait que le droit à la communication est un des droits de la citoyenneté.

  • Le Programme des femmes de l'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires dans la région d'Amérique latine encourage la formation dans une perspective féministe et coordonne des campagnes de revendication des droits de la femme à l'échelle du continent, il se penche en particulier sur la sensibilisation au problème de la violence à l'égard des femmes. Tous ces travaux ont pu être accomplis en appliquant les nouvelles technologies de la communication à la radiodiffusion.
  • FIRE (Feminist International Radio Endeavour), une équipe composée de femmes de la radiodiffusion au Costa Rica, est la première station de radio féministe qui diffuse sur l'Internet en espagnol et en anglais. L'équipe développe également des sessions de formation pour les femmes travaillant dans la radiodiffusion et les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
  • Fempress au Chili rédige des articles et réalise des émissions de radio féministes pour les mass médias et l'Internet. Ce groupe a publié un «Abécédaire du journalisme non-sexiste» en espagnol.
  • CLADEM (Commission latino-américaine sur les droits de la femme) a lancé une campagne e-mail pour la défense des droits fondamentaux de la femme.
  • Modemmujer au Mexique est un réseau d'information sur les questions relatives aux femmes qui atteint des centaines d'activistes au Mexique et dans le reste de la région.
  • Le Programme des femmes de l'ALAI (Agencia Latinoamericana de Informacion), en Équateur, conseille les initiatives et réseaux régionaux de femmes sur la planification de leurs politiques de communication, y compris l'Internet, et facilite l'échange d'information avec d'autres mouvements sociaux.
  • Des exercices de surveillance des médias ont pris place dans plusieurs pays et leurs résultats ont non seulement contribué des données qui renforcent la position des femmes et du mouvement des femmes en faisant valoir leur point de vue dans leur demande de changements aux pratiques médiatiques, mais ont également ouvert la voie à des dialogues éventuels sur les questions relatives aux femmes et à la communication. Des groupes dans quelques pays, par exemple Red Ada en Bolivie, Grupo Mujer et Chiclayo au Pérou, ont effectué des études sur les images de femmes dans les programmes de télévision réalisés et /ou présentés par des femmes.
  • Geledes, un Institut de femmes noires au Brésil, est à la tête du mouvement de lutte contre les images négatives des femmes noires dans les feuilletons télévisés diffusés par TV Globo. Ces femmes ont présenté leur cas devant le Conseil national d'autoréglementation.
  • UNIFEM a décerné un Prix de publicité non-sexiste pendant le Festival ibéro-américain de la Publicité en 1998 et 1999. Le Centro de Estudios de la Mujer et l'Association mondiale pour la communication chrétienne figuraient parmi les commanditaires locaux du jury.

La région européenne de l'ONU est à l'avant-garde pour ce qui est d'aborder les questions concernant les femmes et les médias, y compris l'usage des TIC, pour modifier la situation actuelle.

  • Le bureau Toplink a été établi en 1995 aux Pays-Bas pour augmenter la participation des femmes à la gestion et aux organismes gouvernementaux. Le bureau tient à jour une base de données sur les femmes qui ont les qualifications requises pour siéger à des conseils consultatifs auprès du gouvernement, des organisations sociales et des comités directeurs d'entreprises. Cette base de données comprend maintenant 900 femmes et a servi à accroître le nombre de femmes nommées à des postes de cadres. En moyenne, le bureau négocie de 40 à 50 postes par an.
  • KILDEN, un centre d'information et de documentation pour la recherche sur les questions relatives aux femmes en Norvège, partage les locaux avec le Bureau de médiation de l'égalité entre les sexes et le Centre pour l'égalité des femmes. Une des responsabilités partagées avec ce dernier groupe est la compilation sous forme électronique des répertoires publiés par le Centre pour la recherche féminine.
  • Croatie : En 1998, durant les 16 Journées de militantisme contre la violence à l'égard des femmes, le groupe B.a.B.e. a écrit une chanson et tourné une vidéo avec des jeunes chanteuses de rap. La chanson a bénéficié d'une bonne couverture dans les médias et de publicité et s'est avérée un succès. Elle abordait des questions difficiles sur un ton enthousiaste et divertissant. Pour 1999, le groupe a opté pour une chanson de jazz. En réfléchissant aux paroles, les organisatrices ont demandé à des hommes comment ils voyaient une femme forte. Les hommes ne voyaient rien d'autre qu'une «amazone». Étant donné que c'était l'époque des élections, elles ont décidé de réaliser une vidéo avec une présidente et des ministres femmes et avec des scènes où celles-ci amendaient les politiques qui ont des répercussions sur les femmes.
  • Allemagne: La « Serviette médias» créée par l'Association allemande de femmes journalistes est seulement disponible à titre de prototype. La serviette est conçue pour fournir aux groupes de surveillance des médias les outils nécessaires à un examen critique et une analyse du contenu médiatique et suggérer des moyens et des façons de déposer des plaintes et de mieux faire connaître leurs commentaires.
  • Canada : Le groupe Évaluation-médias (http://www.mediawatch.org) a organisé en 1995 un Projet mondial de surveillance des médias afin d'examiner l'image donnée des femmes et leurs positions dans les médias. Des centaines de volontaires, de 71 pays, ont analysé plus de 15000 reportages à la télévision, à la radio et dans les journaux. Cette initiative sera reprise, en collaboration avec l'AMCC, en l'an 2000 avec la participation prévue de 85 pays. Une surveillance constante et une mise en commun des conclusions peuvent aboutir à une plus grande sensibilisation et, à la longue, au changement.
  • U.E.: Le Lobby européen des femmes (http://www.womenlobby.org) est le plus grand organisme de coordination des organisations de femmes nationales et non gouvernementales européennes dans l'Union européenne, et réunit plus de 2700 associations membres dans 15 États Membres. Le Lobby surveille systématiquement l'activité législative européenne et prend des mesures lorsque nécessaire. Tandis que la sphère de compétence de l'Union européenne continue de s'étendre, le Lobby cherche à faire garantir que l'égalité entre les femmes et les hommes soit un critère obligatoire de la construction européenne.
  • États-Unis: L'organisation Independent Women's Action Project (http://www.iwap.org), une organisation vouée à la limitation de l'opportunité gouvernementale et économique, s'est associée à la coalition E-Freedom Coalition (e-freedom.org) en vue de promouvoir l'accès à l'Internet à un prix modique et d'encourager la croissance continue dans le cyberespace.
  • France: Les Pénélopes (http://www.penelope.org) ont développé un programme interactif de télévision «Cyberfemmes» qui est accompagné de discussions en ligne et de textes de documentation servant à étoffer le contexte.
  • International: Depuis des années, le Centre de la tribune internationale des femmes, <IWTC@igc.org>, a insisté sur l'importance de rendre disponible l'information appropriée et pertinente en utilisant de nombreux moyens: traduction, bulletins de nouvelles créés à partir d'articles découpés, affiches, brochures, planches illustrées, tableaux à feuilles mobiles, jeux de rôle, théâtre de rue, groupes de discussion, sans oublier la télécopie!
  • International: Le service de collecte de l'information, Women's International News Gathering Service (wings@wings.org), offre des programmes d'actualités radiophoniques des femmes à l'Internet, y compris des programmes archivés pour la recherche sur le site web (http://www.amazoncityradio.com) et des programmes d'échange à la radio.
  • Les femmes arabes en quête de changement

Ce qui suit est la section Femmes et Médias du Rapport parallèle des ONG de la région arabe

  • Au niveau national, l'Union des femmes syriennes veille actuellement à la réalisation d'une émission de radio et de télévision sur la famille, en plus de produire le «Magazine de la femme arabe». L'Union des femmes supervise également le travail du ciné-club et est à la recherche de comédiennes. Au Yémen, une femme occupe le poste de Secrétaire générale au ministère de l'Information. De plus, le pourcentage de femmes employées au ministère de l'Information est de 15,9 pour cent en comparaison aux 10 pour cent de femmes employées par la télévision yéménite.
  • En Palestine, des programmes spéciaux de télévision et de radio ont été réalisés en vue d'éliminer la représentation stéréotypée des femmes dans la société palestinienne. L'Union générale des femmes palestiniennes, avec la collaboration d'autres ONG, se sert de toutes les formes de médias pour se débarrasser à tout prix des stéréotypes de femmes dans le cinéma, les études, les journaux et dans les émissions de radio et de télévision. Le ministère de l'Information prépare actuellement une base de données exhaustive sur tous les sujets de préoccupation des Palestiniennes qui servira à élaborer des stratégies, des politiques et des plans d'action pour éliminer les images stéréotypes des femmes dans les médias. Le Département des affaires féminines et de la planification du développement, en coopération avec d'autres organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, offre des ateliers de formation sur la condition de la femme, l'information et la communication.
  • Au Koweït, l'État a garanti l'accès égal des femmes aux postes supérieurs du secteur des médias. En conséquence, des femmes koweïtiennes occupent des postes de direction dans divers services des institutions médiatiques publiques et une femme occupe le poste de secrétaire générale adjointe au ministère de l'Information.
  • Dans les Émirats arabes unis et à Bahreïn, la présence des femmes dans les mass médias se fait sentir grâce aux postes de prise de décision qu'elles occupent, aux discussions qu'elles amorcent et à cause des questions traitées par les diverses institutions médiatiques dans ces deux pays.
  • Le Comité national pour les femmes en Égypte a adopté plusieurs objectifs en vue d'améliorer le traitement que reçoivent les questions relatives aux femmes dans les médias et de supprimer les stéréotypes négatifs dont souffrent les Égyptiennes. La démarche choisie est de projeter des images positives de femmes, telles que celles d'Égyptiennes qui ont réussi dans leurs entreprises.
  • En Jordanie, le plan d'action national pour les Jordaniennes met l'accent sur l'importance d'élaborer des programmes de médias qui incorporent une perspective sexospécifique et qui encouragent la participation des femmes à la formulation des études, des plans et des actions portant sur les médias. Par exemple, une Jordanienne a récemment été nommée directrice de l'institution de radio publique. Une ONG a réalisé un programme de radio intitulé «Les femmes sur la route de l'altruisme». L'Institut «la Sororité est mondiale»a mis en œuvre un projet de partage de l'information qui met en contact des femmes du Sud avec d'autres femmes au pays et dans le monde au moyen des nouvelles méthodes d'information et de communication.
  • En Iraq, on a établi des critères clairs à respecter dans la production de tout le matériel d'information traitant de sujets féminins, matériel qui à son tour contribue au façonnement de l'opinion publique. Les ONG iraquiennes de femmes ont également développé divers manuels et programmes de formation sur les femmes dans les médias. La Fédération des femmes iraquiennes a apporté un soutien au développement du service technique de la radio et de la télévision d'Iraq pour l'aider à produire du matériel imprimé et audiovisuel sur les femmes rurales et urbaines en Iraq.
  • Un réseau de journalistes arabes concernés par les questions de développement a été établi récemment en vue d'encourager la communication et la collaboration entre les journalistes. Créé en 1999, ce réseau dont le siège est à Damas et qui rassemble 30 journalistes cherche également à perfectionner les compétences de journalisme de ses membres. De plus, le réseau s'intéresse au travail de suivi de la Conférence internationale sur la population et le développement et de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes.

Les lacunes

Asie
Les dernières décennies du 20e siècle ont marqué un changement d'orientation vers une économie informationnelle mondiale caractérisée par la dominance de sociétés médiatiques géantes et transnationales qui sont en mesure de dicter la production de l'information dans le monde entier. Les technologies de l'information et de la communication ont joué un rôle dans cette tendance mondiale. Ce même modèle de propriété et de contrôle a provoqué une situation dans laquelle l'accès est extrêmement inégal pour la majorité de la population mondiale. Cette inégalité contribue à l'existence d'un écart toujours croissant entre ceux qui ont accès à des ressources d'information abondantes et ceux qui sont privés de cet accès. La pauvreté et l'analphabétisme empêchent encore les femmes d'avoir accès non seulement aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais à toutes les formes d'information et de communication. C'est ce secteur marginalisé qui n'a aucun moyen de façonner l'information et, conséquemment, qui ne peut pas se faire connaître et faire connaître les problèmes qui le concernent. ESCAP remarque que les femmes continuent de former la grande majorité des pauvres et la plupart d'entre elles vivent dans des régions rurales où les conditions requises pour sortir de la misère noire existent rarement.

La mondialisation provoque la transformation de la nature et de la structure des médias qui passent d'un mandat public à une entreprise commerciale transnationale. Le processus de mondialisation provoque également la concentration de la propriété et du contrôle des médias entre les mains de quelques-uns, limitant donc encore plus la capacité de nombreux secteurs de la société, dont celui des femmes, d'influencer les médias. Il manque un effort concerté pour améliorer et changer la condition de la femme au sein des médias et des industries de l'information et des communications. Le harcèlement sexuel des femmes dans les organisations médiatiques est très répandu. Cela est un déni des droits fondamentaux de la femme et fait obstacle à leur pleine participation dans l'industrie des médias. Les femmes continuent à butter contre des barrages non seulement pour avoir accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais aussi pour participer au développement de la technologie et à l'élaboration des politiques. La langue constitue encore un obstacle majeur qui entrave l'accès à l'Internet étant donné que la langue anglaise domine le web. Pour beaucoup de femmes, le manque d'opportunités de formation, le coût élevé des ordinateurs et des logiciels et, dans certains endroits, le coût élevé de la connexion à l'Internet ainsi que l'absence ou le manque d'infrastructures de base pour soutenir cette technologie, marginalisent encore plus les femmes. L'Internet a aussi été utilisé comme un autre instrument servant à exploiter, à commercialiser et faire le trafic de femmes.

Bien que l'augmentation significative de la présence féminine dans les institutions médiatiques soit reconnue, en particulier à la télévision et à la radio, les femmes ont encore une participation et un accès limités à la prise de décision dans l'industrie des communications et dans les organismes directeurs qui influent sur les politiques médiatiques. À cause de l'absence de cette masse critique et en dépit du plus grand nombre de femmes dans les institutions médiatiques, les femmes ne peuvent toujours pas façonner le contenu des programmes et assurer la couverture des questions et préoccupations prioritaires qui les concernent. Les représentations négatives et stéréotypées des femmes dans les médias persistent tandis que la projection de la diversité culturelle et des diverses réalités de la vie des femmes reste absente. Les femmes des secteurs marginalisés de la société sont encore plus invisibles étant donné que leurs groupes ethniques, raciaux et social, leur religion ou leur orientation sexuelle sont à peine, ou pas du tout, représentés dans les médias de grande diffusion. Les codes de conduite des médias au niveau national n'ont pas réussi à assurer une représentation positive des femmes dans les médias. D'autre part, le codage en fonction du sexe existe encore: de nombreuses femmes travaillant dans les médias se voient attribuer des sujets «secondaires», comme la culture, les arts et les modes de vie, tandis que les hommes sont chargés de sujets « plus importants» comme la politique et l'économie.

Amérique latine
Les différences locales et mondiales, géographiques et économiques, les écarts structuraux entre les hommes et les femmes, la discrimination ethnique ainsi que la convergence de tous ces facteurs et d'autres encore contribuent au fait que, à l'aube du 21e siècle, la condition de désavantage des femmes est particulièrement frappante en ce qui a trait aux technologies stratégiques, au pouvoir et à la prise de décision. La mondialisation des communications s'est traduite par, entre autres, l'arrivée dans la région de douzaines de canaux de télévision par câble qui diffusent leurs programmes de l'extérieur de l'Amérique latine. Avec la concentration des médias dans de nombreux pays, quelques grandes sociétés multimédias se retrouvent propriétaires des journaux, de la radio et des réseaux de télévision sur lesquels elles exercent un monopole. Cette tendance a fait entrave à la démocratisation des communications et à une représentation et une participation plus équitables des acteurs sociaux, et plus en particulier des femmes. Les démocraties limitées ou faibles au pouvoir dans la plupart des pays, immobilisées par les camisoles de force des programmes d'ajustement structurel imposés par le système financier international, sont vulnérables sous la pression des grands intérêts économiques, et des médias parmi ceux-ci. Avec la déréglementation économique et le libre marché comme excuses, les principes d'éthique et d'équité ont été repoussés de côté. L'information n'est plus considérée comme un droit mais elle a été transformée en denrée. Les médias n'ont maintenant que des liens très ténus avec le concept de service public qui était considéré être un privilège au moment de leur création.

La surveillance des médias révèle qu'en Amérique du Sud, 23,6 pour cent des femmes mentionnées dans les actualités le sont en tant que victimes comparé à seulement 9,3 pour cent des hommes dans la même situation. En Amérique centrale et dans les Caraïbes, une femme sur cinq (19,1 pour cent) qui est mentionnée dans les actualités l'est dans le rôle de victime. Certaines expériences de surveillance des médias qui ont eu lieu après l'adoption du PAB obtiennent le même genre de résultats. En octobre 1997, l'ONG Cotidiano Mujer, en Uruguay, a examiné 9000 pages de journaux, 95,32 heures de nouvelles télévisées aux heures de grande écoute sur les quatre bandes de diffusion et 400 heures d'émissions d'actualités à la radio sur les trois stations de radio ayant le plus grand nombre d'auditeurs au pays10. Seulement 8 pour cent de la couverture des nouvelles dans les journaux avaient rapport aux femmes, tandis que les questions concernant les droits fondamentaux et la sexualité des femmes n'étaient même pas mentionnées. Dans les nouvelles télévisées, une femme seulement était entrevue chaque fois que 7 hommes l'étaient, et pour chaque heure où une femme journaliste parlait à la télévision les hommes journalistes parlaient quatre heures. À la radio, sur les 7000 minutes de diffusion analysées, seulement 301 minutes étaient consacrées aux questions relatives aux femmes. Les hommes étaient entrevus pendant 2384 minutes, alors que les femmes n'étaient écoutées que pendant 449 minutes.

En Bolivie, le réseau d'employées de l'information et de la communication, Red de Trabajadoras de la Información y la Comunicación--Red Ada, a mené une expérience semblable11 durant une semaine en juillet 1998 en examinant les cinq journaux les plus importants dans le pays qui sont publiés dans les principales villes. Pendant cette période, la participation des femmes dans les nouvelles était de 18,49 pour cent. La plupart des femmes qui figuraient aux nouvelles, l'étaient dans les pages du carnet mondain (20,3 pour cent); tandis que dans le traitement de thèmes comme l'éducation, les femmes et les questions relatives aux femmes n'étaient mentionnées que dans 6,25 pour cent des reportages; et pour ce qui avait trait à la santé et aux questions juridiques, dans 2,34 pour cent.

Les données obtenues de ces enquêtes démontrent clairement que pour changer la situation de la femme dans les médias, il ne suffit pas d'insister que les femmes suivent des études de journalisme ou de communication sociale ou que les actualités et l'information soient traitées dans une perspective sexospécifique. Les changements dépendraient de politiques publiques et de codes éthiques pour les médias qui encouragent la promotion sociale afin d'augmenter la participation des femmes en tant que sources et agentes d'information, en respectant leur droit à la communication et en leur offrant l'occasion d'exercer ce droit dans les médias privés tout comme publics.

Région européenne de l'ONU
Les renversements politiques régionaux / nationaux, tels que ceux signalés en Albanie, en Autriche, en Pologne, en Roumanie, en République slovaque et au Royaume-Uni, ont entraîné la suspension et / ou la restructuration de leurs mécanismes institutionnels nationaux respectifs. Cela a eu des répercussions négatives sur tous les aspects des efforts de revendication des femmes, en particulier sur ceux qui portent sur des questions politiques compliquées telles que les questions mentionnées dans la Section J du PAB.

Par exemple, novembre 1997 a marqué la fin des activités pour l'égalité entre les sexes en Pologne alors que les élections parlementaires ont amené au pouvoir un gouvernement plus conservateur. Le Bureau sur les questions familiales a remplacé le Bureau des affaires féminines. Depuis le tout début, ce nouveau bureau a été sous l'influence d'une perspective religieuse conservatrice, qui s'est manifestée par une politique de facto de cessation de la plupart des activités de promotion de la femme. L'optique du gouvernement actuel est portée sur les questions familiales qui, selon les politiciens au pouvoir, englobent adéquatement toutes les questions relatives aux femmes.

Plus immédiatement, en Autriche, les organisations et les projets de femmes sont confrontés à la possibilité qu'ils ne recevront plus suffisamment de financement public, s'ils en reçoivent, suite à la décision controversée du nouveau gouvernement d'abolir le ministère de la Condition de la femme. La condition de la femme a été rétrogradée pour devenir un département subalterne du vaste ministère des Affaires sociales. De plus, son budget pour cette année ne s'élèvera qu'à environ 40 pour cent du niveau de celui de l'an passé.

Au cours de ces quelques dernières années, la Commission européenne a également connu des bouleversements spectaculaires, qui ont abouti à la démission forcée de tous les commissaires de haut niveau. Antérieurement et immédiatement après ces événements, le peu de financement accordé aux groupes de femmes a été menacé par l'exigence que tous les projets devaient être examinés.

Plusieurs pays ont signalé qu'il fallait former un plus grand nombre de journalistes et autre personnel de l'information. Cependant, bien qu'on note plusieurs efforts méritoires dans ce domaine, dans de nombreux cas les gouvernements n'ont pas appliqué même les recommandations facilement réalisables du PAB. En Allemagne, par exemple, les ONG remarquent que le gouvernement ne mentionne aucunement le « Women Oeckl», une liste exhaustive d'expertes dans les médias qui a été demandée à maintes reprises pendant des discussions longtemps avant la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Il s'agit en fait d'un engagement pris dans la Section J (paragraphe 241) que très peu de gouvernements de la CEE, ou aucun, n'a mis en application ou appuyé. En Allemagne également, les groupes de femmes ont appris que bien que la législation et les politiques soient en place et que les rouages de surveillance existent, l'État n'est pas en mesure de distribuer les outils aux groupes mêmes qui seraient susceptibles d'entreprendre volontairement la tâche d'observer les pratiques médiatiques. La «serviette médias» développée par l'Association des femmes journalistes n'est encore disponible qu'à titre de prototype car l'Association attend en vain depuis deux ans de pouvoir la copier et la distribuer. La serviette a pour but d'équiper les groupes de surveillance des médias avec les outils dont ils ont besoin. Cela comporte non seulement l'information requise pour effectuer un examen et une analyse critiques du contenu médiatique, mais également des renseignements importants sur la façon de procéder pour déposer une plainte ou pour faire connaître ses commentaires dans le domaine public.

La représentation des femmes dans les médias a bien peu changé depuis 1995, que ce soit dans la publicité ou dans les actualités. Les images négatives, stéréotypées, inexactes et violentes des femmes se retrouvent partout. Certains groupes de femmes sont tout simplement invisibles, tels que les groupes de populations minoritaires. Les femmes sont encore décrites en fonction de leur apparence plutôt que de leurs compétences. De plus, la commercialisation toujours plus forte de tous les moyens de communication a intensifié la visibilité des images négatives, depuis les pancartes publicitaires jusqu'aux journaux et à la télévision. Les nouveaux médias perpétuent et accentuent l'aspect négatif de l'image donnée des femmes, notamment dans les jeux sur ordinateur, à l'Internet et dans les vidéo-clips. La convergence des médias et la convergence parallèle de l'Internet avec les mass médias intensifient toutes les pratiques négatives à un degré étourdissant. Une nouvelle tendance inquiétante observée au Royaume-Uni est la montée de la violence sexuelle chez les garçons de moins de 18 ans. Les facteurs qui jouent un rôle dans ce cas sont la baisse de la réussite scolaire des garçons par rapport aux filles et la prolifération de la violence dans les médias, à l'Internet et dans les jeux informatisés.

Les médias tchèques ont réussi à maintenir une optique traditionnelle et patriarcale; exprimée explicitement dans la publicité, ces images dans les médias dépassent souvent les limites du bon goût et de la morale. En Croatie, où les médias n'ont pas de politiques éditoriales égalitaires, ou ont carrément des politiques contre la femme, le portrait fait des femmes est résolument sexiste et l'impératif de l'égalité entre les sexes est peu reconnu. En fait, la télévision d'État de Croatie n'a que très peu de, pour ne pas dire aucun, programmes éducatifs, politiques ou sociaux positifs qui abordent les problèmes et la situation des femmes. La radio, qui est considérée indépendante, est encore pire; elle offre de façon régulière des exemples d'intimidation sexiste des femmes et utilise des stéréotypes sexistes. Le journalisme responsable sur le plan social et sensible à la cause des femmes n'existe pas; la condition des femmes dans la presse écrite illustrant avec exactitude la piètre estime déplorablement courante accordée aux droits fondamentaux de la femme. La poussée visant à développer rapidement l'économie de marché a encouragé la production de pornographie et dans certaines publications privées hautement commercialisées la pornographie «douce» est devenue un fondement de la stratégie commerciale. Les nouveaux magazines féminins appartenant aux groupes médiatiques commerciaux diffèrent, mais pas vraiment de façon très positive. Ils ont tendance à offrir un mélange de mode, de commérages mondains, de valeurs nationalistes et misogynes et représentent les femmes comme des hôtesses séduisantes accompagnant des hommes importants ou comme des vamps sures d'elles-mêmes du monde du divertissement. D'autres magazines féminins plus traditionnels traitent de la maternité, la mode, la famille, les loisirs, le tourisme et offrent des conseils sur la cuisine, les soins de santé et la beauté. Dans certains cas, ces magazines sont favorables aux droits de la femme et adoptent une position pro-choix et, à l'exception de Zaposlena (Femmes au travail), ils repoussent les questions relatives aux femmes en dehors des réalités sociales et politiques du pays et prennent toujours leurs distances du féminisme ou le dénoncent comme n'étant rien de plus qu'une tendance politique sans valeur.

Les possibilités qu'offrent aux femmes les TIC suscitent évidemment beaucoup d'enthousiasme dans toutes les parties de la région. Mais il importe de préciser que les TIC sont des épées à deux tranchants: elles appartiennent bien souvent à des sociétés multinationales et / ou sont hors de notre propre contrôle de sorte que nous ne pouvons pas savoir exactement ce qui se passe en tout temps. L'exclusion de celles qui n'y ont pas accès s'aggrave et la «ligne de partage numérique» est passée d'un sujet de discussion théorique à la réalité depuis Beijing, pourtant nous n'avons pas vu beaucoup de programmes destinés à réduire l'écart pour les femmes. Les changements progressent rapidement, bien trop rapidement pour permettre à nos ressources insuffisantes d'être à la hauteur de la tâche immense que serait d'en comprendre les implications et d'y répondre avec des projets de politiques sexospécifiques intelligentes et appropriées. Certaines des politiques qui s'annoncent dans la région, ou qui ont été adoptées récemment, ne font aucune mention directe au sujet des femmes, ne sont pas égalitaires et pourraient, dans la réalité, repousser encore plus loin la ligne de partage dans leur application (cf., les lois de «Digital Privacy» américaines sur la confidentialité, les propositions au R.-U. sur le «E-Commerce» et autres mesures actualisées de sécurité interne, les projets de l'OCDE qui ont influencé les directives récentes de la Commission européenne). Il importe d'exprimer des préoccupations au sujet des tendances actuelles de concentration des TIC et des médias (cf.., le regroupement AOL/Time Warner), qui sont estimées constituer une menace potentielle à la liberté d'expression des femmes, à la protection de leur vie privée et à leurs droits à des sources d'information pluralistes.

Une limitation structurale importante dans le contexte des initiatives TIC axées sur les femmes depuis Beijing est l'absence grave de financement dans certaines parties de la région, en particulier dans les pays considérés comme 'développés'. Le financement gouvernemental destiné aux ONG de femmes pour l'accès, le développement et l'utilisation des TIC continue d'être négligeable et intermittent. Ironiquement, ce sont les pays 'riches' qui sont le plus touchés - les pays d'Europe occidentale en particulier-- étant donné qu'il y a des sources de financement relativement bien développées aux É.-U. et, en moindre mesure, au Canada et dans les pays nordiques européens. Il y a cependant un financement disponible pour entreprendre des projets dans la région Europe centrale et orientale / Communauté des États indépendants (ECO / CEI). Cela doit être considéré dans le contexte d'un gain pour les régions moins développées du monde et tout progrès futur sur ce plan ne peut pas être au détriment d'autres. Le problème provient du fait qu'il y a peu, quand il y en a, de méthodes soutenables génératrices de revenus qui permettent aux initiatives TIC axées sur les femmes de fonctionner avec une contribution financière externe minimale, tout comme c'est le problème dans les régions moins développées du monde. Étant donné cette situation, la planification et la programmation relatives aux TIC par les organisations de femmes manquent de continuité.

Sur le plan de la conscientisation et de la sensibilisation, le Parlement européen n'a pas réussi à faire proclamer une «Année européenne contre la violence». Les ressources qu'aurait fournies une véritable «Année européenne contre la violence» auraient certainement permis à ce thème d'atteindre un plus grand nombre de médias et de citoyens. Les ONG au Royaume-Uni observent qu'il y a bien peu de campagnes destinées à promouvoir la pensée critique chez les jeunes face au contenu des mass médias et, de nos jours, le public est probablement moins conscient du pouvoir néfaste des stéréotypes en fonction du sexe qu'il ne l'était avant Beijing.

En ce qui concerne la surveillance du contenu des médias, de nombreux Plans d'action nationaux ont négligé d'indiquer clairement des stratégies et des actions à l'égard de la Section J. En Ukraine, la Section J du Plan d'action national n'a été exécutée qu'en partie et ne comportait pas d'indicateurs précis pour le contrôle de sa mise en œuvre. Dans de nombreux pays de la région de la CEE, les gouvernements ont la ferme position de ne pas s'interposer directement au niveau juridique dans leurs médias mais de compter sur un mélange de concession de licences aux médias, de codes de conduite volontaires, de commissions nationales de recours, etc. Cette démarche comporte plusieurs lacunes. Les ONG en Ukraine font observer que la surveillance du contrôle de l'interdiction de publicités violentes dans les grands médias est impossible, car la presse devrait être surveillée et évaluée continuellement en rétrospective pourtant il n'y a pas de mécanismes de paiement et de financement pour entreprendre ce travail. Les ONG du Royaume-Uni signalent une autre lacune: le «Code de pratiques» de sa Commission pour les plaintes contre la presse ne contient aucune disposition spécifique concernant la représentation stéréotypée des femmes. Cela peut sembler évident, mais sans aucun doute, la surveillance ne sert à rien s'il n'y a pas de moyens pour arrêter que des abus ne soient commis pour commencer.

 

IV. Obstacles

Bien qu'il existe des différences régionales dans le type d'obstacles rencontrés pour la mise en œuvre de la Section J, plusieurs d'entre eux sont courants, dont les préjugés et la discrimination sexistes. Nous les décrivons ci-dessous.

  • Sociétés patriarcales : l'un des plus grands obstacles à l'accès et à la participation des femmes aux médias, de même qu'au contrôle des médias par les femmes, est le régime patriarcal des sociétés où les hommes continuent à considérer les femmes comme étant leurs subalternes. Les attitudes patriarcales des gouvernements et des médias sont manifestes dans leurs institutions essentiellement masculines qui tendent à considérer les femmes comme une masse indifférenciée ayant un statut inférieur dans la société. Les préjugés et les discriminations sexistes entraînent des attitudes stéréotypées, le harcèlement sexuel, des inégalités salariales, des traitements discriminatoires pour ce qui est des assignations de projets et des promotions, le maintien de hiérarchies traditionnelles sexistes, y compris l'imposition des responsabilités familiales à la femme, le manque de mécanismes de soutien pour les femmes qui travaillent et la sous-scolarisation qui font que les femmes renoncent à se joindre aux médias ou à assumer des postes de prise de décision.
  • Appartenance des médias. La menace du droit démocratique des citoyens à la pluralité des sources d'information et des moyens d'exprimer leurs points de vue est menacée par le pouvoir exercé par quelques organismes médiatiques transnationaux qui contrôlent les divers médias. L'appartenance en monopole, le contrôle des médias par les hommes et les intérêts transversaux des entreprises ont inévitablement une influence sur le contenu et les politiques des médias. On s'inquiète de plus un plus du niveau de concentration médias-industrie résultant de la convergence des technologies de la communication et de l'information avec d'autres médias traditionnels, soulevant la question du contrôle dans de nombreux pays. En outre, la mondialisation et la monopolisation des médias rendent difficiles la responsabilisation alors que des conglomérats sous-régionaux, régionaux et internationaux achètent et vendent des fréquences nationales de diffusion, la presse écrite, des programmes de télévision, de câblodistribution et des films tout en ayant peu de comptes à rendre au gouvernement ou à la société civile, si non aucun. La possibilité que des citoyens influencent la politique générale et le contenu des médias est encore plus éloignée lorsque les centres de prise de décision sont de plus en plus distants et hors de portée, fondés sur la réalisation de profits plutôt que sur des considérations de responsabilités sociales.
  • Absence d'une perspective sexospécifique et sexisme. Peu d'écoles de journalisme ont incorporé dans leur programme d'études les questions relatives aux femmes. Les journalistes qui essaient d'être sensibles à la cause des femmes dans leur travail se heurtent souvent à la résistance et aux moqueries de leurs collègues ou supérieurs. Les femmes travaillant en communication soulignent que la discrimination et le harcèlement sexuel sont parmi les principaux obstacles à leur développement professionnel. Il est également très difficile d'amorcer des débats publics sur les questions de communication et démocratie, des codes de déontologie ou la responsabilité sociale des médias lorsque de nombreux directeurs des médias et même quelques journalistes refusent de reconnaître cette responsabilité et peu sont prêts à parler publiquement de ces questions. La projection constante d'images négatives et dégradantes des femmes, de stéréotypes sexistes et d'exemples violents et/ou pornographiques dans les médias ont tous un impact négatif général et nuisent à la pleine participation des femmes dans la société.
  • Accès restreint des femmes aux institutions médiatiques ou absence de développement professionnel possible pour les femmes dans ces institutions. Étant donné que les questions relatives à la femme ne sont pas jugées comme étant importantes ou profitables, les femmes ont de la difficulté à entrer dans les institutions et dans les organismes médiatiques. Les occasions qui s'offrent aux femmes dans l'industrie des médias, que ce soit au niveau de l'emploi ou de la prise de décision, continuent à être limitées. Trop peu de femmes dans les organisations médiatiques ont atteint des postes supérieurs en programmation étant donné que ces opportunités ne sont pas encore ouvertes aux femmes dans le cadre d'une progression professionnelle routinière et équitable. Même les quelques femmes qui exercent un certain contrôle dans les organisations médiatiques travaillent dans des systèmes de gestion patriarcaux et sont forcées de travailler en fonction des profits marginaux. Bien qu'il soit naïf d'affirmer que les profits n'ont aucune importance, ce qui semble compter actuellement pour les médias, c'est la denrée, le potentiel commercial et la consommation.
  • Accès restreint des femmes aux TIC et préjugés sexistes dans le développement des TIC. L'accès limité des femmes à une infrastructure de base, comme l'électricité et des lignes téléphoniques, rend très peu probable dans un avenir proche l'accès plus étendu aux nouvelles technologies pour les femmes, qui est compliqué encore plus par des facteurs comme les restrictions économiques et l'analphabétisme. Même dans les centres urbains, les principaux obstacles à l'accès et à l'utilisation des TIC sont les coûts de l'équipement et des services, le manque de formation et la langue (dominance de l'anglais sur Internet). Les institutions tant publiques que privées ne sont pas vraiment intéressées à se pencher sur la situation des femmes par rapport aux TIC. Il est généralement reconnu que le développement de nouvelles technologies ne tient pas compte des pratiques et des besoins des femmes. L'industrie informatique s'oriente principalement sur les jeux pour adultes ou adolescents, créant des machines toujours plus puissantes et plus rapides, pouvant exécuter des logiciels plus perfectionnés. Par conséquent, ces ordinateurs sont à des prix inaccessibles pour de nombreuses femmes, ce qui renforce l'impression défavorable envers les femmes des technologies informatiques en général.
  • Manque de pleine participation des femmes dans les processus médiatiques. La participation des femmes dans les processus de communication est largement liée à leur statut économique, à leur situation géographique et à leur identité ethnique. Les femmes qui souffrent d'exclusion économique, raciale ou autre n'ont généralement pas accès aux moyens de communication. Les organismes de réglementation nationaux et internationaux sont généralement perçus comme des entités techniques, n'accordant dans de nombreux cas aucune place à la participation des citoyens ni à l'expression de leurs opinions. Même si un forum existe pour les citoyens, les organismes de femmes l'ignorent souvent. À un autre niveau, de nombreux secteurs du journalisme sont encore la chasse gardée des hommes et des préjugés et la discriminations inhérents au système limitent la participation à part entière des professionnelles des médias pour influencer le message diffusé. Un autre point à souligner est l'isolement relatif des professionnelles des médias. Bon nombre d'entre elles travaillent dans le cadre de systèmes patriarcaux et n'ont souvent pas de liens avec les mouvements de femmes dans leurs pays. Même dans l'affirmative, elles risquent d'être marginalisées dans les sociétés médiatiques commerciales.
  • Absence de politiques médiatiques efficaces. Dans le monde médiatique, les politiques contre la couverture, les images et la représentation sexistes et stéréotypées des femmes sont quasi inexistantes. Les codes actuels dans les médias contrôlent principalement la présentation de façon obscène, lascive ou indécente du corps humain ainsi que le matériel provocateur au niveau sexuel et pornographique. Les politiques sont fondées sur des questions de moralité plutôt que sur la reconnaissance de la violence sexuelle dont sont victimes les femmes comme étant une violation des droits de la femme. Certaines tentatives ont été faites pour établir ou maintenir des mécanismes d'autoréglementation quant au matériel présenté dans les médias. Les gouvernements en général n'assument que peu de responsabilité pour la réglementation des médias en ce qui concerne les stéréotypes sexistes. La responsabilité d'agir est confiée aux entreprises médiatiques ou aux organismes nationaux peu efficaces chargés de traiter les plaintes et d'assurer le respect de la réglementation; ceux-ci ne disposent souvent pas des capacités de contrôle requises et leur structure légale n'inclut souvent aucune politique quant à l'égalité des sexes. À cette fin, dans de nombreux pays, il n'existe aucun système de contrôle ou de mise en application pratique des exigences gouvernementales et, lorsque des normes existent, très souvent elles ne sont pas respectées. Trop souvent, il revient aux citoyens eux-mêmes d'être vigilants, de contester et d'intenter des actions en justice.
  • Absence de sanctions efficaces contre les contrevenants. Bien que nombreuses demandes aient été faites pour l'instauration au niveau international de codes de conduite comportant des normes et des exigences internationales minimales, l'absence de sanctions contre ceux qui violent les droits fondamentaux de la femme dans les médias démontre que rien n'a encore été fait sur ce plan.
  • Défis systémiques. Dans de nombreux pays, les question qui ont fait l'objet d'un accord dans la Section J ne sont pas vraiment faciles à mettre en œuvre et exigent souvent des transformations radicales des systèmes en place. Par exemple, les concepts comme celui d'une plus grande participation ou contribution des femmes peuvent souvent être mal interprétés par le public comme répondant au souhait des femmes de dominer ou de contrôler. En conséquence, les demandes des femmes pour une plus grande participation et une représentation plus positive dans les médias sont traitées comme étant insignifiantes dans les processus gouvernementaux de consultation et de prise de décision.
  • Menaces envers les professionnelles des médias. Dans plusieurs pays, des stations de télévision et de radio communautaires ont été la cible de menaces. Dans certains cas, comme au Paraguay et en Uruguay, les personnes en charge de ces stations ont été menacées d'emprisonnement comme si elles avaient commis un crime grave.

 

V. Politiques médiatiques

Bien que quelques politiques médiatiques dans de nombreux pays portent sur l'image des femmes, il n'existe que très peu de politiques suffisamment exhaustives pour répondre à toutes les facettes de la question de la discrimination et des préjugés sexistes. La Corée du Sud et la Chine ont adopté une législation qui se veut exhaustive. La loi de 1995 portant sur le développement des femmes en Corée du Sud encourage l'égalité des sexes et sert de fondement juridique pour corriger les facteurs de discrimination sexistes dans le secteur de l'emploi, entre autres. La Loi exige l'augmentation à 30 % de la présence des femmes dans les divers comités de surveillance des médias, d'ici 2005, la création de normes objectives pour évaluer les stéréotypes sexistes dans les médias de grande diffusion et l'expansion de la production et de la distribution d'annonces publiques traitant de questions concernant les femmes. Toutefois, les groupes de femmes participant aux activités de contrôle notent que la mise en application des lois et des politiques reste problématique étant donné le manque de volonté politique du gouvernement et des entreprises privées.

La Chine a adopté des lois, des politiques et des directives à propos de l'image des femmes dans les médias. Elle a plusieurs lois contre la pornographie qui interdisent, criminalisent et punissent la production, l'importation, l'exportation, la vente et la dissémination de matériel qui enfreignent les clauses de la politique portant sur la protection des droits et des intérêts des femmes, une politique interdisant la discrimination, les mauvais traitements et les blessures infligées aux femmes. Elle a également mis sur pied le Programme de développement pour les Chinoises (1995-2000) qui fournit des directives générales quant à la représentation des femmes dans les médias. La mise en application de ces directives est contrôlée par l'Administration de la presse et des publications, tandis que le Conseil d'État surveille la mise en application des divers règlements.

Toujours en Asie, la Malaisie a une clause à la Section 5 (Rôle des femmes) du Code de publicité pour la télévision et la radio. Cette clause précise en termes généraux que les hommes et les femmes doivent être représentés de manière positive comme participant et contribuant à la vie de famille, à l'économie, à la société et au développement du pays. Les ministères des Affaires sociales, du Commerce et de la Consommation et de la Santé contrôlent la mise en application de ce code. L'Inde, pour sa part, a adopté une loi interdisant la représentation indécente des femmes. Son principal objectif est de surveiller la représentation des femmes dans la presse écrite. Les personnes dont c'est la première violation doivent payer une amende et sont passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à six ans de prison; toute violation subséquente est passible d'une amende plus sévère.

Dans de nombreux pays d'Asie, les associations de journalistes ont leur propre code de déontologie et / ou des principes fondamentaux qui ne portent pas nécessairement sur la question des femmes mais sur l'éthique en général. Parmi celles-ci, on compte les associations de journalistes au Cambodge, en Indonésie, aux Philippines et en Corée du Sud qui ont leur propre code de déontologie que font respecter leurs comités de déontologie respectifs. Les associations d'éditeurs et de rédacteurs ont leurs propres principes fondamentaux de journalisme au Japon, en Indonésie et aux Philippines. Il existe des codes de pratiques pour les normes de programmation à la radio et à la télévision à l'intention des diffuseurs au Japon, aux Philippines et dans d'autres pays. Les annonceurs sont tenus par des principes éthiques en Indonésie, au Japon et en Malaisie.

Dans certains pays d'Amérique du sud, le bureau du protecteur du citoyen (Ombudsman) est le seul organisme qui intervient lorsque des citoyens intentent une action pour sexisme dans les médias. En Argentine, le bureau du protecteur du citoyen de la ville de Buenos Aires est intervenu dans trois cas importants liés à la pornographie infantile, aux nuances sexistes dans les excuses présentées face à la violence contre les femmes dans une chanson populaire et à la publicité sexiste. Dans tous les cas, le bureau du protecteur du citoyen a appliqué les principes de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) qui, en Argentine, a statut de loi nationale. Alors que dans la plupart des pays de la région, les stations de radio et de télévision communautaires continuent à se battre pour obtenir un statut légal, il est bon de noter qu'en Colombie, une nouvelle loi sur la diffusion a été passée en 1998, légalisant les médias communautaires.

Dans la région de la CEE, la politique du Canada en matière de sexisme dans les médias est mise en application par autoréglementation obligatoire, sous forme d'un partenariat entre le gouvernement, l'industrie des médias et les ONG. La programmation doit respecter des normes strictes qui complètent la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, au Royaume-Uni, il existe plusieurs mécanismes de réglementation, établis indépendamment du gouvernement et relevant des termes des Broadcasting Acts de 1990 et de 1996, dont certains ont été renforcés dernièrement. La Broadcasting Standards Commission est la seule organisation qui couvre la télévision et la radio; elle offre un code de conduite faisant brièvement référence aux stéréotypes. Parmi les autres mécanismes en place, on compte le Committee of Advertising Practice, qui contrôle les publicités radiophoniques et télévisées et les autres formes de publicité. Un joueur essentiel pour les journaux est la Press Complaints Commission (PCC), un organisme indépendant établi « pour assurer que les magazines et les journaux anglais respectent le code de pratiques, rédigé par les éditeurs de journaux et de magazines, et adopté par l'industrie ». Le PCC reçoit les plaintes quant aux violations possibles du Code et statue sur ces plaintes; il fournit également des conseils généraux aux éditeurs sur des questions d'éthique.

 

VI. Questions actuelles

  • Privatisation et fusion des entreprises médiatiques. La fusion des technologies et des entreprises médiatiques, particulièrement dans le contexte de la mondialisation, altère la nature et la structure mêmes de l'industrie des médias. Les médias sont devenus des entreprises transnationales liées par des ententes et par des organismes commerciaux internationaux (OMC, GATT) dont l'objectif principal est de générer des profits plutôt que de servir le public. C'est pourquoi, même les gouvernements ont de la difficulté à réglementer l'évolution des médias. Au cours de la dernière décennie, l'industrie des communications a été caractérisée par la privatisation des télécommunications, par l'introduction de nouveaux systèmes de communication (satellites, câblodistribution, technologie numérique et sans fil, Internet, téléphones cellulaire), par la concentration de la propriété des médias, etc. Ces changements ont été accompagnés de modifications à la structure juridique selon laquelle ces systèmes fonctionnent, de recommandations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'International Telecommunications Union (ITU). La situation actuelle souligne le besoin urgent d'élaborer des énoncés de politiques tenant compte des points de vue des citoyens afin de garantir le pluralisme et l'accès démocratique à l'information et aux communications.
  • Impacts de la mondialisation des médias. La mondialisation des médias a tracé la voie de la promotion généralisée des valeurs commerciales et de la consommation. Il faut s'inquiéter de l'effet d'homogénéisation de la mondialisation sur les cultures et les sociétés qui entraîne une image essentialiste, universaliste et diluée de la réalité, ignorant ou ne représentant pas les réalités résultant de la diversité des races, des classes, des castes, des ethnies et des modes de vie. L'emprise des entreprises transnationales géantes fait disparaître les sociétés médiatiques d'État. Dans cette situation, les pourvoyeurs de services médiatiques plus petits ou indigènes, les professionnelles des médias et les productrices ont encore moins de latitude qu'auparavant pour contrôler la production et l'édition des programmes, bien que cette latitude était déjà très limitée dans le cadre des médias traditionnels et parallèles. La législation et la juridiction sont également devenus problématiques vu le caractère toujours plus transnational des médias.
  • Violence contre les femmes. L'utilisation de l'Internet pour le trafic des femmes et la vente de matériel pornographique a empiré l'exploitation des femmes. L'absence de mécanismes pour réglementer l'utilisation de l'Internet a aggravé cette situation. Bien que le problème de la pornographie et de l'exploitation des femmes soit un problème vieux comme le jour, le contrôle et la réduction de ces activités sont encore plus difficiles actuellement. Les communications électroniques ont intensifié l'exploitation des femmes et des filles par le biais de la pornographie, du tourisme du sexe et du trafic des femmes. L'industrie du trafic des femmes peut dorénavant utiliser des sites web pour étaler les femmes à la vue d'un public bien plus vaste. Dans la région européenne de l'ONU, on assiste à la création d'un nombre toujours plus important de sites misogynes; cette tendance, alliée aux propos injurieux et au harcèlement avec menaces, a comme effet de dissuader les femmes dans cette partie du globe à utiliser l'Internet.
  • Initiatives des femmes dans les médias. Dans la communauté des médias, les femmes jouent des rôles importants, tant dans la gestion et la planification de la programmation que dans les processus de prises de décision, d'administration et de gestion en général. C'est le cas en Amérique latine. De nombreux groupes d'Asie s'attachent à changer le statut des femmes dans les médias. Ils ont fait des recherches et développé des modèles ayant pour objectif de changer la situation actuelle; toutefois, ces efforts ne sont ni documentés ni analysés comme modèles à mettre en œuvre. La connaissance est une autre question essentielle. En cette ère de l'information, de nombreuses femmes doivent non seulement développer et systématiser leurs propres connaissances, mais elles doivent aussi s'assurer de les utiliser à leur propre avantage.
  • Autres questions. Les questions de respect de la vie privée, de la liberté d'expression, de la liberté de l'information, entre autres, et leur rapport aux TIC, aux médias et aux questions relatives aux femmes, prennent de plus en plus d'importance pour les femmes. Il faut se pencher davantage sur la portée de l'expression des femmes dans les médias parallèles, dans le cadre actuel des communications, avec l'importance accordée aux TIC sous le contrôle de puissants conglomérats médiatiques.

Conclusion

En concluant cette évaluation, nous aimerions mentionner les contraintes et les limitations qui accompagnent nécessairement ce genre d'entreprise sur la mise en œuvre à l'échelle mondiale. Bien que nous soyons conscientes de l'immense diversité des situations en ce qui a trait aux médias, situations qui exigent diverses mesures d'amélioration, nous aimerions consigner deux des limitations majeures du PAB. La première est associée aux contraintes de la structure et des procédures de l'ONU qui rendent difficile la définition de mesures de responsabilisation que les États Membres sont obligés d'accepter. Nous nous rendons également compte que toutes les négociations et tous les engagements conclus sont imbus de politiques d'inclusion et d'exclusion. La seconde limitation se rapporte aux recommandations contenues dans le PAB qui supposent manifestement que toutes les régions, et de fait tous les pays, en sont au même stade de développement des médias. Bien que nous reconnaissions la nécessité de réunir divers pays en régions en fonction de leur emplacement géographique pour faciliter l'organisation et l'administration des rapports, nous estimons que cette approche ne permet pas d'aborder des questions spécifiques et contextuelles. Comme il a été dit, le processus de l'ONU n'a également pas inclus dans son exercice d'évaluation 'mondiale' les évaluations des processus régionaux, rendant donc les évaluations elles-mêmes, pratiquement, problématiques.

Au niveau des gouvernements individuels, beaucoup plus doit être fait. Les gouvernements étant responsables devant leurs citoyens, les femmes du monde entier vont observer ce qu'ils font et exiger que leurs droits soient respectés. En reconnaissant les droits des femmes à être des partenaires à part entière et de plein droit dans les efforts de développement, ce rapport fait des recommandations clés aux gouvernements, à l'industrie des médias et au public.

Recommandations

Représentation de la femme dans les médias

  • Les médias doivent s'abstenir de présenter les femmes comme des êtres inférieurs et de les exploiter comme des objets sexuels. Au contraire, les médias peuvent être un outil utile pour promouvoir une image positive et réaliste des femmes. Toutes les présentations dans les médias doivent se conformer au contexte démographique de la communauté. L'industrie des médias doit faire appel à sa volonté et à sa prévoyance et éliminer les stéréotypes sexuels, et doit, pour commencer, chercher à éliminer toutes les représentations violentes et dégradantes de femmes.
  • Les États doivent formuler des normes éthiques internationales, fondées sur l'égalité entre les sexes, dont on doit tenir compte dans toutes les productions de communication, y compris la programmation et la représentation des femmes dans les médias.
  • L'absence de recherches spécifiques sur les portraits des femmes que font les médias est l'un des plus grands obstacles à l'analyse continue et efficace. Il faut financer des études pour mettre en évidence les images équitables en corrélation à l'élaboration des politiques. Les différences régionales doivent être recensées et l'application de la loi doit être fondée sur la recherche comparative dans ce domaine.

Politiques médiatiques

  • Les gouvernements et les ONG doivent veiller à ce que les mécanismes de réglementation à l'intention des médias soient régis par les valeurs de la justice à l'égard des deux sexes, des droits humains fondamentaux, du développement durable et du respect de la diversité culturelle, de l'expression culturelle, de la sexualité et du mode de vie.
  • Il est nécessaire d'examiner la possibilité d'élaborer une Convention internationale sur les femmes et les médias qui réponde aux problèmes de la diversité, des droits humains et de la disparité entre les sexes et qui soit fondée sur les conventions et instruments internationaux existants.
  • Les gouvernements doivent continuer à donner leur soutien à la radio communautaire, à la vidéo indépendante et à l'accès à la télévision, aux téléphones publics, à l'Internet communautaire, aux réseaux informatiques et à la presse écrite parallèle.
  • Les gouvernements et les organismes pertinents doivent engager des ressources et mettre en œuvre des programmes qui améliorent l'accès des femmes à la connaissance et aux ressources de communication, spécialement aux nouvelles technologies de la communication, dans un cadre de respect de la diversité culturelle et des priorités et besoins régionaux et locaux. Ils doivent attribuer des ressources à la promotion de l'égalité des sexes par l'entremise des médias de grande diffusion, des médias parallèles et de l'Internet. Ils doivent également encourager le débat public sur la responsabilité sociale des médias, en plus de rédiger et de mettre en vigueur des codes de déontologie.

Prise de décision

  • Il faut avoir un équilibre homme-femme à tous les niveaux de prise de décision dans l'industrie des médias. Cet objectif pourrait être atteint au moyen de mesures de promotion sociale et de systèmes de quotas. Les tentatives actuelles de promouvoir des politiques, des programmes de formation, etc., volontaires qui favorisent l'égalité des chances au sein des industries des médias, n'ont toujours pas réussi à permettre aux femmes de transpercer le «plafond de verre». Des efforts supplémentaires s'imposent pour améliorer les opportunités d'emploi des femmes et leur avancement professionnel. Les directives doivent comporter un encouragement suffisant à la participation des femmes à tous les échelons de prise de décision dans les industries des médias, aux postes de cadres supérieurs dans les industries technologiques et aux conseils consultatifs convoqués par le gouvernement.

Promotion et défense de la cause

  • Les audiences et les journalistes doivent être sensibilisés à la façon dont les femmes et les hommes sont représentés dans les médias et dans quelle mesure, et sur quels sujets, ils ont ou non droit de paroles, y compris dans quelle mesure l'absence de femmes aux postes de prise de décision influe sur ces représentations. Il faut effectuer des recherches complémentaires et encourager les cours de formation et les groupes d'étude. De nouveaux projets visant à assurer l'égalité dans les médias doivent être établis et soutenus.
  • Des mesures immédiates doivent être prises, dans tous les pays, pour établir et soutenir des centres chargés de la surveillance des médias. Tous les moyens de communication doivent être surveillés, y compris les TIC. Un soutien doit être accordé aux femmes pour les aider à développer leurs compétences de surveillance et analytiques.
  • Les Nations Unies doivent partager notre aspiration d'inclure le droit des femmes à la communication en tant que priorité dans son Ordre du jour pour le 21e siècle et ainsi contribuer aux objectifs présents et futurs de bâtir des démocraties fondées sur le pluralisme et une culture de paix.
  • Proposer que les Nations Unies convoquent une Conférence mondiale sur les communications pour donner l'occasion à la communauté internationale, aux moyens et systèmes de communication et à la société civile de discuter d'un cadre éthique d'action dans le domaine des communications mondiales qui épouse les pratiques démocratiques et la responsabilité sociale.
  • Les gouvernements doivent revoir leurs politiques d'aide financière et de coopération internationale en vue d'accorder la priorité au renforcement des réseaux de communication et aux médias des femmes et à leur dimension sexospécifique.
  • Il faut obliger les gouvernements qui n'ont pas déclaré leurs plans 'd'actions futures', conformément au format du PAB, à les déclarer ou à admettre explicitement qu'ils n'ont pas de tels plans.

Pour voir la version intégrale des rapports régionaux, visiter le site web de WomenAction <http://www.womenaction.org>.

Notes explicatives:

1 Soumis par l'African Information Society Gender Working Group (AISGWG)

2 Isis International Manila, recherche sur la radio, 1998.

3 Changing Lenses: women's perspectives on media, Isis International Manila, 1999.

4 Source: <http://www.jca.ax.apc.org/aworc>

5 Stratégies et recommandations de l'ESCAP pour la mise en œuvre du Programme d'action de Beijing, 1999.

6 Estrategias comunicacionales de género en el Cono Sur, Santiago, Isis Internacional, 1997.

7 Séminaire sur le développement des médias et la démocratie (UNESCO-PNUD), Santiago, Chili, 1994.

8 Rapport du PNUD sur le développement humain, 1999.

9 Communiqué de presse de Select-IDC, Mexico, novembre 1999

10 "En el medio de los medios", Cotidiano Mujer, Montevideo, 1998.

11 "La mirada invisible: la imagen de la mujer en los medios de comunicación en Bolivia", par Patricia Flores Palacios, RED ADA, Bolivie, 1999.

(fin du document)

 


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